Pourquoi l’élimination du carbone n’est plus une option mais un impératif

L’élimination du carbone progresse grâce aux investissements publics et privés. Quel horizon pour ce marché émergent ?


Pour éviter les effets dévastateurs du changement climatique, les secteurs public et privé doivent s'engager à éliminer le carbone de l'atmosphère à une échelle significative.

Vue aérienne d’une digue submergée par les grandes marées, France.

Zach Mortice

25 avril 2025

min de lecture
  • Les recherches scientifiques montrent que la réduction des émissions de CO2 ne suffit pas pour atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement mondial. Il faut aussi faire de l’élimination du carbone atmosphérique une priorité.

  • L’élimination du carbone progresse grâce à des innovations appliquées à diverses méthodes, notamment le biochar, le captage et stockage du carbone issu de la biomasse, le captage direct du carbone atmosphérique, l’alcalinisation des océans et les matériaux de construction.

  • Grâce aux soutiens public et privé, ces nouvelles technologies pourraient contribuer à un avenir décarboné et ainsi à un monde plus sûr et plus juste.

Il est désormais clair que la réduction des émissions ne suffira pas à enrayer les effets dévastateurs du changement climatique. Les vagues successives de catastrophes dues au climat (inondations du Vermont américain à la Corée du Sud, première tornade mortelle dans l’État américain du Delaware en 40 ans, incendies au Canada qui noircissent de fumée des pans entiers du ciel d’Amérique du Nord) s’ajoutent aux records de chaleur des huit dernières années pour souligner une urgence qui ne peut plus être ignorée. En France, par exemple, les dégâts causés par les pluies exceptionnelles d’octobre 2024 ont été chiffrés à plusieurs centaines de millions d’euros.

Pour éviter les pires scénarios du changement climatique, il faudrait maintenir la hausse de la température mondiale à moins de 1,5 °C. Cela implique d’atteindre quasiment zéro émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Malgré un élan positif marqué, le monde entier est loin de cet objectif. La faute notamment aux industries « difficiles à décarboner » – comme le secteur architecture, ingénierie, construction et exploitation (AECO) – qui utilisent des processus exceptionnellement gourmands en énergie et gonflent les émissions de carbone pour le raffinement, le transport, la construction et la réalisation de projets. Par exemple, les nombreuses tonnes d’acier et de béton produites pour les bâtiments et les infrastructures et le transport de ces matériaux lourds sur de longues distances sont l’une des raisons pour lesquelles l’AECO est l’un des principaux émetteurs de carbone de l’économie.

Décarboner ces industries prendra du temps et en attendant, elles continuent d’émettre des émissions dans l’atmosphère. Il sera donc impossible d’atteindre les objectifs climatiques en se contentant de réduire les émissions futures. Dans son Sixième rapport d’évaluation publié en mars 2023, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) concluait que limiter la hausse des températures à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle est très improbable sans éliminer des gigatonnes de CO2 déjà dans l’atmosphère. Un avenir durable passera nécessairement par l’approche « Oui et », en associant les futures baisses d’émissions de gaz à effet de serre à des mesures vitales d’élimination du carbone, encore trop peu développées et financées.

En quoi consiste l’élimination du carbone et pourquoi est-elle capitale ?

Vue aérienne d’un échangeur autoroutier.
Les arbres séquestrent naturellement le carbone.

L’élimination du carbone est un processus consistant à séquestrer du dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère et à le stocker de façon pérenne. Elle peut résulter de processus naturels comme la photosynthèse ou d’interventions techniques, comme des dispositifs de captage qui absorbent le dioxyde de carbone de l’air ambiant. Dans tous les cas, l’objectif est de remonter le temps en retirant le CO2 atmosphérique afin d’empêcher les effets de la hausse de la température mondiale.

Soyons clairs, l’élimination du carbone ne dispense en rien de réduire les émissions. Il est crucial de privilégier les investissements qui mènent à une décarbonation profonde de l’économie. Il est urgent d’appliquer à grande échelle les solutions permettant de capter et de stocker du CO2 atmosphérique. Il s’agit de mettre sur pied un tout nouveau secteur spécialisé dans l’élimination du carbone.

Actuellement, l’élimination du carbone représente un marché de moins de dix milliards, soit une infime fraction de l’économie mondiale. Pour réussir la transition climatique, il faudrait qu’il s’exprime en billions, à l’instar du secteur pétrolier et gazier. Ce changement d’échelle nécessite d’importants investissements privés et des innovations, ainsi que l’appui des pouvoirs publics afin de catalyser et « dérisquer » cette croissance rapide.

Aujourd’hui, l’élimination du carbone passe essentiellement par des processus naturels et classiques, tels que la séquestration du carbone dans les arbres. Seulement 0,1 % de l’élimination du carbone résulte de méthodes conçues par l’Homme. Globalement, il faudrait multiplier les capacités d’élimination du carbone par un facteur de 1 300 ; selon les estimations, il faudrait retirer entre cinq et seize milliards de tonnes de dioxyde de carbone par an d’ici 2050 (à titre indicatif, les États-Unis ont émis à eux seuls un peu plus de six milliards de tonnes de gaz à effet de serre en 2021). Ce ne sont donc plus des tonnes de carbone qu’il faut éliminer chaque année, mais des gigatonnes, et ce, dans un délai suffisamment court pour que cela ait un impact sur le changement climatique.

Les difficultés de l’élimination du carbone

Un homme devant un grand écran affichant des données sur la production d’énergie.
L’élimination du carbone pose des problèmes techniques et réglementaires qui nécessitent le développement de nouvelles compétences.

Développer le secteur de l’élimination du carbone à une telle échelle n’est pas sans difficulté, sur le plan réglementaire comme technique.

Il faudra continuer à faire évoluer les normes de mesure, de vérification et de reporting pour maintenir la confiance ; constituer des viviers de talents afin de développer les compétences et les savoir-faire adéquats ; faire émerger des marchés qui valorisent et négocient le carbone, en dirigeant les capitaux vers les solutions les plus prometteuses ; stocker le carbone séquestré de manière sûre et permanente ; créer de toutes nouvelles procédures de réglementation et d’autorisation pour garantir que le processus d’élimination du carbone soit équitable et tienne compte des territoires et populations les plus touchés par le changement climatique. De façon générale, un nouvel ensemble de politiques publiques devra notamment déterminer les paramètres d’efficacité, d’efficience et de temps.

Aujourd’hui, le défi le plus urgent réside peut-être dans le fait qu’un véritable marché doit émerger : pour attirer de nouveaux investissements, le secteur doit démontrer que la demande est forte. Les commandes regroupées provenant du secteur privé ou de nouvelles politiques publiques qui exigent cette technologie pourraient constituer une base solide pour ce marché émergent.

Les méthodes d’élimination du carbone

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des systèmes naturels qui le séquestrent déjà dans le cadre du cycle naturel du carbone de la Terre. Scientifiques et entrepreneurs cherchent à mieux comprendre ces systèmes pour trouver des solutions applicables à grande échelle. Les nouvelles techniques d’élimination du carbone s’inscrivent toutes dans ce cycle naturel, que ce soit en exploitant directement les processus naturels ou en les traduisant en moyens entièrement synthétiques.

Forêt de mangrove.
Les arbres séquestrent de grands volumes de carbone, planter des arbres est donc une manière efficace de ralentir le changement climatique.

La reforestation

Les arbres et les végétaux en général séquestrent d’énormes quantités de carbone et la plantation d’arbres sert depuis longtemps à lutter contre le changement climatique (l’adoption généralisée du bois d'ingénierie dans le secteur du BTP stimulerait la demande en faveur d’un outil efficace d’élimination du carbone). En revanche, quand cette biomasse meurt, elle se décompose et libère son carbone. Les méthodes d’élimination du carbone axées autour des processus naturels et de la matière biotique cherchent donc à freiner cette réémission.

Les modifications génétiques pourraient apporter une réponse à ce problème : des scientifiques ont trouvé un moyen de modifier génétiquement le riz afin que ses racines poussent verticalementet non horizontalement. En s’enfonçant plus profondément dans le sol, ces racines qui séquestrent du carbone ne se cassent pas et ne se décomposent pas, donc ne libèrent pas de carbone dans l’atmosphère en pourrissant.

Du biochar dans une brouette.
Le biochar riche en carbone, souvent obtenu à partir de déchets agricoles, stocke du carbone atmosphérique pendant des siècles et nourrit le sol.

Le biochar

Le biochar, ou charbon végétal, est produit à partir de biomasse, notamment de déchets agricoles (balles de riz, coquilles de noix, etc.) qui, une fois chauffés à haute température dans un environnement pauvre en oxygène, génère une matière riche en carbone qui ressemble au charbon. Le biochar est très stable, ce qui permet de stocker le carbone pendant des siècles, voire des millénaires. L’enterrer ou l’épandre sur les récoltes présente deux avantages : comme le carbone atmosphérique reste séquestré durant des centaines d’années, il nourrit le sol et réduit le besoin d’engrais. Même si l’idéal est de recueillir des déchets pour produire du biochar (comme les aliments jetés par les ménages ou les restaurants), le biochar peut être produit à partir de n’importe quelle matière biotique : du bois, des feuilles, et même du fumier. Applied Carbon utilise des robots assistés par l’intelligence artificielle pour ajouter le biochar au sol.

Un employé de Heirloom Carbon Technologies tenant une torche au butane.
Heirloom Carbon Technologies développe actuellement une solution d’élimination du carbone directement dans l’air, rentable et modulable.

Le captage direct du CO2

Les systèmes de captage direct du CO2 (DAC en anglais) dirigent l’air vers des matériaux qui séquestrent le carbone. Climeworks a commercialisé la première unité de DAC, Orca, et son projet pilote est alimenté par de l’énergie géothermique en Islande. L’air aspiré par des ventilateurs passe par un matériau poreux qui retient le CO2 à sa surface. Pour extraire le carbone, l’unité est ensuite chauffée à 100 °C et le carbone concentré est stocké sous terre par minéralisation, où il se mélange à l’eau et fusionne avec des formations de basalte pour se transformer en roche. Une unité peut extraire dix tonnes de CO2 par jour dans l’air.

Heirloom a installé sa première unité DAC à Tracy, en Californie. Son objectif est d’accélérer le processus naturel de séquestration du carbone atmosphérique et de transformation en calcaire pour qu’il se compte en jours et non plus en années. Le calcaire broyé est chauffé dans un four où il se divise en dioxyde de carbone et en poudre d’oxyde de calcium. Le dioxyde de carbone est ensuite extrait et séquestré dans du béton, fabriqué par CarbonCure Technologies. La poudre d’oxyde de calcium, elle, est mélangée à de l’eau pour former de l’hydroxyde de calcium. Cette poudre est étalée sur des plateaux qui absorbent le dioxyde de carbone atmosphérique pendant trois jours, lequel redevient du calcaire. Ce cycle est ensuite répété. Selon Heirloom, cette méthode devrait coûter moins de 100 dollars par tonne d’ici 2035.

Le minéral olivine sur une plage volcanique.
Le minéral olivine augmente l’absorption de CO2 quand il est dissous dans l’eau de mer.

L’alcalinisation des océans

Vesta étudie comment utiliser l’olivine, minéral naturel, pour augmenter la capacité des puits de carbone sur les littoraux. L’entreprise veut accélérer l’érosion chimique naturelle de l’olivine en épandant de grandes quantités du minéral broyé le long des côtes, où il augmentera le taux d’absorption du CO2 en se dissolvant dans l’eau. Alcaline, l’olivine peut aussi contribuer à freiner l’acidification des océans induite par le changement climatique. C’est un exemple de minéralisation augmentée destinée à favoriser l’élimination du carbone. Le basalte en est un autre exemple : des études ont montré que des terres agricoles traitées avec du carbone capturé dans du basalte broyé sont plus productives.

BiCRS (Élimination et stockage du carbone par la biomasse)

L’attrait pour l’huile de pyrolyse, ou bio-huile, s’explique simplement : elle offre le potentiel de réinjecter l’huile qui libère du carbone dans le sol, d’où il provient. Charm Industrial utilise des sous-produits agricoles issus de récoltes du maïs, qui ont déjà séquestré du carbone, et les convertit en un liquide visqueux, stable et non inflammable : l’huile de pyrolyse. Tout comme le biochar, cette huile est produite en chauffant la biomasse quelques secondes à 500 °C, sans l’enflammer. L’huile obtenue est ensuite pompée sous terre, souvent dans les puits d’où elle a été extraite. Très stable, elle se solidifie en roche quelques jours ou semaines après l’injection. L’infrastructure légère de Charm Industrial lui permet d’opérer à proximité des champs et donc de minimiser son empreinte carbone due au transit.

Un biodigesteur dans un jardin.
L’huile de pyrolyse est obtenue en chauffant la biomasse à haute température pour créer un liquide stable et riche en carbone qui peut être stocké dans le sol.

L’élimination électrochimique du carbone océanique

L’océan contient plus de carbone que toute autre partie de la biosphère. L’une des expérimentations les plus en pointe pour éliminer le carbone a recours à l’électrochimie : cette méthode consiste à pomper l’eau de mer dans une unité électrochimique où les molécules d’eau et de sel sont alors séparées en solutions acides et basiques (alcalines).  La solution basique est reversée dans l’océan, qui est ainsi alcalinisé et récupère une plus grande capacité d’absorption du CO2 atmosphérique. La solution acide peut aussi servir à extraire du carbone de l’eau de mer.

Comment les entreprises peuvent-elles contribuer à la progression de l’élimination du carbone ?

Une centrale photovoltaïque avec une centrale thermique en arrière-plan.
Les entreprises doivent évaluer l’impact de leur activité en amont et en aval en tenant compte des émissions de leurs fournisseurs d’énergie et d’autres partenaires.

Comme le veut le proverbe, « Pour changer le monde, il faut d’abord se changer soi-même ». De la même façon, les entreprises peuvent contribuer à l’élimination du carbone :

  • En analysant leur propre empreinte carbone pour déterminer la quantité de carbone émise directement ou indirectement par leurs opérations.

  • En assumant la responsabilité de cette empreinte carbone à travers l’achat de crédits carbone de façon à neutraliser leurs émissions.

  • En recherchant les domaines dans lesquels elles peuvent soutenir à leur manière la croissance de l’écosystème au profit des parties prenantes telles que les employés, les fournisseurs et les clients.

  • En regroupant la demande grâce à des garanties de marché (voir ci-dessous).

  • En défendant l’engagement et le soutien des pouvoirs publics.

Les garanties de marché

Les mécanismes de garantie de marché (AMC en anglais) sont de nouveaux outils utilisés pour financer les initiatives d’élimination du carbone et en faire baisser les coûts afin qu’elles se généralisent jusqu’à devenir un marché de masse. Concrètement, ces accords engagent des acheteurs privés ou publics qui peuvent garantir leur achat de services d’élimination du carbone en masse sur une période donnée. Ce processus fixe un seuil de demande qui signale un investissement sûr, ce qui aide ces technologies émergentes à attirer des financements dans un environnement moins risqué. À l’origine, ce cadre était destiné à faire progresser la vaccination dans les pays en développement.

Pour résumer, les garanties de marché convertissent de nébuleux engagements pour la durabilité en contrats servant à financer l’élimination du carbone. Constituée d’un consortium d’experts techniques, la garantie de marché investit l’argent des acheteurs dans une large palette d’entreprises spécialisées dans l’élimination du carbone. Quand la quantité de CO2 fixée est éliminée, l’AMC paie les fournisseurs et émet un crédit en faveur des acheteurs. 

Cette approche offre l’avantage de répartir le risque entre divers fournisseurs de dispositifs d’élimination du carbone. Cependant,son intérêt premier réside dans le fait que les investissements massifs qui regroupent le financement et la demande provenant de sources multiples arrivent en une fois et non pas au goutte-à-goutte. Autodesk s’est joint à d’autres investisseurs pour injecter 100 millions de dollars dans l’AMC de Frontier pour soutenir l’élimination du carbone, soit une petite part du milliard de dollars que ce consortium s’est engagé à y consacrer.

Une réglementation plus stricte nécessaire pour encadrer les contributions des entreprises

Bioréacteurs tubulaires remplis d’algues vertes qui fixent le CO2.
Les investissements du secteur privé représentent un moteur majeur de l’innovation en matière d’élimination du carbone, comme ici, où des bioréacteurs remplis d’algues réduisent le CO2.

Le marché de l’élimination du carbone s’est constitué essentiellement à partir d’investissements privés, dans le cadre d’engagements de grande portée pris par des entreprises désireuses de décarboner leur activité. Ainsi, Autodesk a atteint la neutralité carbone dans sa chaîne commerciale et sa chaîne de valeur en 2021. Microsoft est parvenue à la neutralité carbone en 2012, s’est engagée à obtenir des émissions négatives d’ici 2030 et a signé des contrats pour éliminer 2,5 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Le géant de l’immobilier JLL vise la neutralité carbone de tous ses bureaux d’ici 2030. De même, Apple s’est engagée à ce que l’électricité de sa chaîne d’approvisionnement provienne uniquement de sources d’énergie renouvelable d’ici 2030.

Cette activité repose largement sur des crédits et des compensations carbone : les entreprises qui prennent en charge l’élimination du carbone peuvent émettre des crédits, tandis que celles qui émettent du carbone peuvent en acheter pour compenser leur propre empreinte carbone et subventionner davantage la décarbonation. En termes d’élimination du carbone, ces deux méthodes sont très différentes : l’une évite d’émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, quand l’autre élimine les gaz à effet de serre déjà présents.

Cette approche est imparfaite dans la mesure où l’impact peut être difficile à évaluer et où elle crée potentiellement un mécanisme permettant de repousser la décarbonation. Une entreprise ne peut pas tout échapper au problème par des compensations. Par ailleurs, les variations de qualité font que les achats de crédits n’aboutissent pas forcément tous aux économies de carbone escomptées. Si un crédit est émis par une exploitation forestière qui a des pratiques durables et respectueuses de l’environnement, puis acheté par une entreprise sur un autre continent, quelle mesure réglementaire empêcherait que les arbres censés être protégés ne soient abattus ? 

Passer de 1 000 dollars à 50 dollars la tonne de carbone éliminée nécessitera un effort soutenu de la part du secteur privé comme du secteur public, qui devra créer le cadre réglementaire adéquat tout en réduisant ses propres émissions. Aux États-Unis comme en Europe, près de la moitié des émissions proviennent de marchés publics.

Le secteur public est souvent moins enclin à adopter des nouvelles technologies et de nouveaux processus que le secteur privé et ne subit pas la même pression en termes d’innovation. Ce contexte est un élément clé du marché émergent de l’élimination du carbone. D’un autre côté, le secteur public peut garantir une plus grande transparence des données et une meilleure communication.

À court terme, les pouvoirs publics doivent impérativement mettre à jour les réglementations relatives aux autorisations environnementales et les normes de rendement afin de créer les conditions favorables au marché de l’élimination du carbone. Dans un second temps, le secteur public devra renforcer les protocoles et les capacités de contrôle de gestion ainsi que définir des indicateurs clés de performance (KPI) spécifiques pour identifier les critères de réussite au niveau des politiques. Enfin, les pouvoirs publics se doivent de réaliser des rapports systématiques et d’analyser les avancées et les échecs, de vérifier que les résultats et la conformité aux normes sont assurés et de construire des alliances entre tous les organes du secteur public impliqués dans l’élimination du carbone.

L’élimination du carbone dans le monde

Vue aérienne de bureaux avec jardins sur toit et panneaux solaires.
Tous les pays ont la responsabilité collective de démocratiser les technologies destinées à rétablir l’équilibre écologique.

Sous la présidence de Joe Biden, le ministère américain de l’Énergie a accordé jusqu’à 1,2 milliard de dollars au captage direct du carbone (DAC) commercial, soit le plus gros montant jamais investi au monde dans l’élimination du carbone. Il bénéficiera notamment au projet Cyprus qui fera appel à Climeworks, Heirloom et Battelle, société spécialisée en science appliquée et technologie, pour installer un système de DAC en Louisiane. Le gouvernement Biden a également promis 2,5 milliards de dollars pour la restauration de forêts détruites par des incendies, 2,5 milliards de dollars pour le stockage du CO2 et 2,1 milliards de dollars sous forme de prêts à taux bas pour l’infrastructure de transport du carbone. 

Les initiatives d’élimination du carbone se multiplient également en Europe. Le Royaume-Uni a été l’un des premiers pays à fixer un objectif d’élimination des gaz à effet de serre de cinq millions de tonnes par an d’ici 2030 et prévoit d’y investir près de 24 millions d’euros sur plus de dix ans. Toutefois, le Portugal est le seul pays de l’Union européenne à avoir inscrit dans sa législation des objectifs d’élimination du carbone.

Au Canada, la province d’Alberta, riche en pétrole, souhaite investir 1,18 milliard d’euros dans l’élimination du carbone et rattacher ce secteur émergent au processus de raffinage du pétrole. Les pays en développement ne sont pas en reste. Au Cameroun, en Afrique centrale, NetZero produit du biochar à partir de déchets agricoles issus de la filière du café. Implantée à côté de la plus grande usine de transformation de café du pays, l’entreprise a un accès privilégié aux enveloppes des cerises de café, généralement considérées comme des déchets ; le biochar ainsi obtenu (jusqu’à 2 000 tonnes par an) peut être utilisé par des petits exploitants agricoles pour améliorer la qualité des sols, en plus de décarboner l’atmosphère. NetZero a ouvert une seconde usine au Brésil dont la capacité est le double de la première.

Rétablir l’équilibre

Aujourd’hui, l’élimination du carbone n’est pas une option, mais un impératif. Pour freiner le train du changement climatique lancé à toute vitesse et contribuer à effacer la colossale empreinte carbone mondiale, les entreprises doivent intégrer ce marché et innover. Si le secteur est suffisamment mature pour restaurer l’équilibre de l’écosystème mondial, chaque décision tient compte du carbone et chaque acteur économique réduit ses émissions de carbone, à toutes les échelles.

Démocratiser cette technologie et donner aux organisations, petites et grandes, accès aux outils nécessaires relève d’une responsabilité collective. L’engagement des secteurs public et privé pour étendre et affiner les méthodes d’élimination du carbone est essentiel. Les entreprises doivent innover et aussi agir afin de créer un monde où technologie et nature se rejoignent pour laisser un héritage durable aux générations futures.

 

Zach Mortice

À propos de Zach Mortice

Journaliste spécialisé en architecture, Zach Mortice est basé à Chicago. Suivez @zachmortice sur Twitter et Instagram.

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