Du basketball au BTP, Ed Mazria marque des points avec Architecture 2030
Ed Mazria est le lauréat de la AIA Gold Medal 2021, la plus haute distinction décernée depuis 1947 par l’American Institute of Architects (AIA) qui récompense les architectes dont le travail a eu une influence durable sur la théorie et la pratique de l’architecture. Retour en vidéo sur le parcours peu banal de cet ancien joueur professionnel de basketball devenu architecte résolument engagé pour la planète.
Au terme de ses études secondaires, Ed Mazria ignorait tout de l’architecture et n’imaginait pas y faire carrière. Ses talents de basketteur lui avaient permis de décrocher une bourse d’études généreuse au Pratt Institute de Brooklyn, réputé pour sa filière en architecture, et plus tard, de se faire remarquer par les Knicks de New York. C’est à ce stade qu’il décide d’intégrer le prestigieux cursus de l’école pour devenir architecte.
Fort de plusieurs années d’expérience en tant qu’architecte et pionnier de l’énergie solaire passive, Ed Mazria a fait une découverte fondamentale concernant l’impact du secteur de la construction sur le changement climatique. Cette découverte a bouleversé sa carrière et le secteur tout entier. Découvrez son parcours en vidéo.
[Transcription de la vidéo]
Ed Mazria: Si vous voulez contrarier un architecte, dites-lui que ses projets détruisent non seulement le paysage, mais aussi la planète.
Ed Mazria est né en 1940 à Brooklyn, dans l’état de New York.
Je suis originaire de Brooklyn, à New York. J’y suis né. J’y ai vécu pendant toute mon enfance, jusqu’à mes études supérieures. Mes parents venaient d’une famille d’immigrants de la première génération. Mes grands-parents étaient originaires du Moyen-Orient. Mes amis et moi passions nos journées dehors. Nous avons pour ainsi dire grandi sur un terrain de basket-ball. Lors de mes dernières années au lycée, j’étais l’un des meilleurs joueurs de basketball de la ville.
L’entraîneur de basket-ball du Pratt Institute repère Ed Mazria au cours d’un match All-Star Game et lui propose immédiatement une bourse généreuse.
Mais Ed Mazria n’avait pas encore choisi sa voie.
J’ignorais tout de l’architecture et des études d’architecte. Lors du premier cours, le professeur nous a annoncé que la plupart des étudiants ne passeraient pas en 2e année, et qu’une centaine d’entre nous seraient éliminés. Quelle douche froide !
En première année, je n’avais pas de bons résultats. Au cours de la 2e et de la 3e année, mes notes se sont améliorées et je suis devenu l’un des meilleurs étudiants. Cela n’a pas été une mince affaire.
À New York, l’esprit de compétition est partout. J’ai commencé à en prendre conscience à l’âge de cinq ou six ans. Par la suite, j’ai toujours cherché à être le meilleur.
Ed Mazria devint l’un des meilleurs marqueurs et rebondeurs des États-Unis de sa catégorie.
J’ai eu l’honneur d’être recruté par les Knicks. À New York, faire partie d’une équipe professionnelle est une véritable chance. Après l’obtention de mon diplôme, alors que je m’apprêtais à rejoindre les Knicks pour un stage d’été, j’ai été appelé sous les drapeaux.
Ed Mazria s’engage dans le Corps de la paix américain (Peace Corps) au lieu de servir dans la guerre du Vietnam et fait ses preuves en tant qu’architecte pendant deux ans au Pérou.
Cette expérience m’a ouvert les yeux sur le monde, moi qui n’avais vécu qu’à Brooklyn.
Une fois son service militaire terminé, Ed Mazria est recruté par le cabinet d’architectes Edward Larrabee Barnes Associates.
Je travaillais chez Barnes et je jouais au basket le week-end. C’est là que mes amis m’ont annoncé qu’ils partaient pour la côte ouest. Ils voulaient quitter New York pour faire fortune en Californie. J’ai décidé de les accompagner dans cette aventure.
Au cours d’un voyage exploratoire, Ed Mazria tombe amoureux des paysages du Sud-ouest américain et se met à rechercher un poste d’enseignant dans une université.
J’ai écrit à plusieurs universités : Nouveau-Mexique, UCLA et Berkeley. L’Université du Nouveau-Mexique m’a appelé dès réception de ma lettre pour me proposer un poste d’enseignant.
L’Université du Nouveau-Mexique le recrute alors comme enseignant dans son département d’architecture où il enseignera pendant trois ans.
Nous étions au milieu des années 1970. À cette époque, les États-Unis étaient en pleine révolution culturelle. Berkeley, en Californie, en était l’épicentre. Tout le monde voulait y enseigner.
Ed Mazria passe un entretien pour un poste à l’Université de Californie à Berkeley après avoir travaillé trois ans à l’Université du Nouveau-Mexique.
Malheureusement, il n’obtient pas le poste, mais est recruté en tant qu’enseignant à l’Université de l’Oregon.
Je leur ai demandé ce que j’allais enseigner, comme un étudiant pourrait demander quel cours il peut suivre. Ils m’ont proposé l’énergie solaire. Je leur ai dit que je n’y connaissais absolument rien.
Ed Mazria retourne alors au Nouveau-Mexique et étudie pendant six mois l’énergie solaire avec Ray Harrigan, ingénieur chez Sandia National Laboratories, afin de se préparer à son nouveau poste à l’Université de l’Oregon.
À l’Université de l’Oregon, Ed Mazria travaille avec Steve Baker, un brillant étudiant de 3e cycle, afin de développer un processus complet de conception et de dimensionnement pour l’énergie solaire passive.
Au bout de deux ans, nous avons compris comment appliquer efficacement l’énergie solaire à l’architecture.
Au terme d’une collaboration de deux ans, ils achèvent de développer un processus complet de conception de bâtiments chauffés, refroidis et éclairés grâce à l’énergie solaire passive.
Riches de cette expérience, Ed Mazria et Steve Baker rédigent trois articles qu’ils présentent lors de la Conférence sur l’énergie solaire à Philadelphie.
À la fin de la présentation, on aurait pu entendre une mouche voler. Le silence absolu.
Les recherches d’Ed Mazria et de Steve Baker sont une révélation dans le domaine de la technologie solaire et de nombreux constructeurs et architectes commencent immédiatement à appliquer ces principes.
Suite à l’accueil favorable qu’a reçu son travail, Ed Mazria développe un langage de conception solaire passive qu’il documente dans un livre devenu une référence dans ce domaine.
Je donnais donc des conférences ici et là. Il était temps que j’ouvre mon cabinet pour tirer parti de l’expérience acquise chez Barnes, à New York. Je souhaitais exercer en tant qu’architecte.
J’ai donc ouvert un cabinet et, grâce au livre et à notre réputation, les personnes intéressées par cette approche très innovante nous ont contactés et nous avons immédiatement commencé à travailler.
L’ouverture de nouveaux bureaux à Albuquerque et à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, permet au cabinet d’architectes d’Ed Mazria de développer son activité.
L’optimisation des conceptions pour l’énergie solaire passive était alors devenue une évidence pour Ed Mazria.
Il commence à organiser des séminaires hebdomadaires pour partager ses connaissances avec les jeunes architectes de son cabinet.
Chaque vendredi après-midi, j’organisais un séminaire sur l’énergie solaire appliquée à l’architecture. Alors que nous en étions encore à nos tout premiers séminaires, des gros titres de la presse ont attiré l’attention de nos architectes. À Denver, une concession de véhicules utilitaires sportifs (SUV) avait été incendiée. Le changement climatique commençait à provoquer des actions radicales.
Dans ce contexte de préoccupations environnementales grandissantes, Ed Mazria décide d’étudier de façon plus approfondie l’impact du secteur de la construction sur l’environnement.
En 2000, lors de vacances en famille à Disneyland, il passe en revue plusieurs livres sur le sujet. Ses découvertes sont particulièrement choquantes.
Dans le livre “Les Limites à la croissance”, une partie est consacrée à la croissance exponentielle de la population. Depuis que le monde est monde et jusqu’en 1970, soit plusieurs millénaires, la population a augmenté pour atteindre les trois milliards d’habitants. La courbe de croissance a été exponentielle jusqu’à atteindre ces trois milliards. Selon les prévisions, la population allait se multiplier par deux dans les 30 prochaines années si la croissance continuait au même rythme, pour atteindre les six milliards en 2000. En 30 ans, la population allait augmenter autant qu’en plusieurs milliers d’années. Je ne pouvais pas y croire. J’ai saisi ces données sur mon ordinateur. J’ai failli tomber de ma chaise.
Ce constat pousse Ed Mazria à étudier l’impact des secteurs de l’architecture et de la construction sur le changement climatique.
Nous spécifions tous les matériaux qui constituent un bâtiment. Personne ne nous demande si nous devons utiliser de l’acier ou du béton. C’est nous qui choisissons. Nous déterminons les champs d’application, sans que le client intervienne. Nous définissons presque tout. Pour le secteur industriel, j’ai fait quelques estimations assez sommaires. J’en ai déduit que le secteur de la construction représente 50 % de la consommation énergétique.
Personne n’avait jusqu’alors évalué la contribution des bâtiments et de la construction à la consommation énergétique et au réchauffement climatique.
Personne n’en parlait. Tout le monde pointait du doigt les véhicules utilitaires sportifs et les concessionnaires. J’étais stupéfait. J’en ai parlé au cours d’un séminaire et l’étonnement a été général. Nous nous sommes demandé comment diffuser ce message. J’ai proposé de publier un article.
Ed Mazria fait alors la couverture du magazine Metropolis. Ses conclusions bouleversent profondément la vision du secteur de l’architecture.
Il n’aura fallu qu’un mois pour que nos objectifs soient adoptés par l’American Institute of Architects. Cet immense organisme comptait alors 60 000 membres ; ils sont 90 000 aujourd’hui. Son fonctionnement est très lent en raison de sa taille, mais en l’espace d’un mois, il avait adopté nos objectifs. La consommation énergétique du secteur américain de la construction augmentait. Après la publication de ces objectifs en 2006, le changement a été radical et la consommation s’est stabilisée. La réactivité de la communauté a été incroyable.
Ed Mazria fonde alors Architecture 2030, une organisation dont le but est de soutenir le développement de bâtiments et de communautés à caractère durable, équitable et neutre en carbone.
Ed Mazria renforce son engagement en défendant l’adoption au niveau mondial des objectifs et programmes en matière d’émissions définis par Architecture 2030.
Il parcourt le monde pour former les professionnels du secteur de la construction et collaborer avec les gouvernements locaux et nationaux.
Ed Mazria attribue une grande partie de sa réussite à l’amour et au soutien de sa femme, Asenath, et de sa fille, Demetra.
Cet article a été mis à jour en décembre 2020. Il est originellement paru en avril 2020.