« Les gens pensent toujours que les plantes sont immobiles, mais c’est seulement parce qu’elles se déplacent sur des échelles de temps si lentes qu’elles nous sont imperceptibles, explique Thomas Speck. Avec les prises de vue en accéléré, on peut l’observer de façon précise et voir qu’il y a un mouvement réel. » Il est facile de se laisser gagner par son enthousiasme pour une chose considérée comme évidente et acquise au quotidien. Le lierre de la maison voisine, qui s’accroche au mur, les arbres dont les feuilles sont chatouillées par le vent, tout cela a bien dû pousser et n’a pas toujours été là.
Pour Thomas Speck, beaucoup de gens ont perdu le contact avec la nature, d’où leur perception faussée. La nature comme concept est fortement influencée par les contes de fées et les films de Disney, et même « symboliquement exagérée ». On investit énormément d’efforts dans l’entretien des jardins botaniques pour créer une impression de nature. Une impression, seulement. En fait, ils sont très artificiels. Mais finalement, est-ce si grave ?
En tant que spécialiste de la biomécanique, Thomas Speck est constamment dans la symbiose de l’artificiel et du naturel. Il explore la vie afin d’enrichir la technologie. Et une fois les analyses terminées et le projet mis en œuvre, la technologie va généralement bien au-delà de ce qu’elle essayait d’imiter à l’origine. La technologie, et donc aussi la robotique, a recours à la nature pour trouver et construire des formes d’existence selon ses propres lois.
Cet opportunisme se manifeste dans les robots inspirés par les animaux. « Très souvent, on prétend faire du biomimétisme alors qu’en fait, ce n’est pas le cas », explique Tom Weihmann, zoologiste à l’université de Cologne. Il fait allusion à la liberté des ingénieurs de s’inspirer de « formes biologiques », mais de pouvoir finalement construire ce qui leur plaît, comme il leur plaît. Néanmoins, toute une série de robots a été construite ces dernières années, dont certains sont basés sur les résultats de la recherche fondamentale en biologie.
Les chercheurs prennent modèle sur ce qui glisse, nage, vole, court et rampe – pour ensuite le programmer et le préparer aux conditions environnementales les plus hostiles. Les robots doivent résister à des températures susceptibles de dépasser les 40 degrés et de descendre en dessous de 40 degrés ; ils sont exposés à des conditions dans lesquelles les animaux mourraient, par exemple lors d’expéditions sur Mars, comme le montre le robot à quatre pattes d’un atterrisseur spatial de la NASA, développé avec la conception générative, une méthode utilisant l’intelligence artificielle et le cloud computing. Il en résulte des formes aux structures organiques partiellement basées sur la nature, modélisées de manière à économiser les ressources avec le moins de matière possible.