L’essor de la voiture électrique agite le secteur automobile tout entier
Pilier du développement durable dans le secteur automobile, l’essor de la voiture électrique implique de repenser la conception des véhicules et de leurs batteries, bouleversant ainsi l’ensemble du processus de fabrication. De même que l’avenir de toute une industrie.
Selon les prévisions des analystes spécialisés de Bloomberg New Energy Finance, dix millions de véhicules électriques seront en circulation dans le monde d’ici la fin de l’année. En 2015, il n’y en avait qu’un million. Rien qu’en Europe, le nombre de véhicules électriques vendus en 2020 devrait passer à 800 000, contre 500 000 l’année précédente. Cet essor est favorisé par divers facteurs, notamment les initiatives gouvernementales visant à promouvoir la décarbonation du transport routier, les innovations de l’industrie visant à développer des solutions plus durables et la prise de conscience environnementale et climatique croissante des consommateurs.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les principaux constructeurs automobiles poussent à l’électrification de leur catalogue. Ainsi General Motors (GM), Volvo, Jaguar Land Rover et Aston Martin, entre autres, prévoient de passer au tout électrique dans un avenir proche. D’ici 2023, Volkswagen investira à lui seul plus de 30 milliards d’euros dans la commercialisation de près de 70 modèles électriques et dans la construction de 22 millions de véhicules électriques au cours des dix prochaines années. Les consommateurs suivent avec enthousiasme, comme en témoigne la hausse fulgurante de la demande en voitures électriques à batterie.
L’innovation ne se limite pas au développement des véhicules eux-mêmes. e.GO Mobile SA, pionnier du secteur, donne un nouveau souffle à la planification industrielle. Lors de la construction de ses usines intelligentes, où sont produits en série des véhicules électriques, cette start-up d’Aix-la-Chapelle a coordonné par le biais du numérique la collaboration entre les différents sous-traitants via une plateforme BIM centralisée. e.GO a été le premier constructeur automobile à intégrer le réseau 5G dans ses usines qui sont d’ailleurs considérées ici comme « faisant l’objet de mutations permanentes ». Pour mieux surveiller les conditions réelles, les données recueillies lors des opérations seront finalement réintégrées dans la maquette numérique.
Explosion de la demande de voitures électriques : perspectives et défis
Pour répondre à la demande de véhicules électriques en forte croissance, la Commission européenne a approuvé un projet de recherche et d’innovation sur la chaîne de valeur et le cycle de vie des batteries, notifié conjointement par la Belgique, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et la Suède. Un financement public à hauteur de 3,2 milliards d’euros sera mis à la disposition des entreprises associées au projet.
Cependant, il ne suffit pas de remplacer les moteurs à combustion par des batteries. Afin d’atteindre les Objectifs de développement durable, les composants des véhicules doivent être repensés. L’électrification impose des contraintes totalement nouvelles, parfois contradictoires, à la conception des véhicules.
Performances et puissance : le potentiel de la fabrication additive
La plus grande difficulté à l’heure actuelle est probablement l’intégration de la batterie dans l’architecture du véhicule. Il ne s’agit pas seulement de savoir comment intégrer la batterie de façon optimale, mais aussi de parvenir à développer des véhicules qui soutiennent au mieux les performances des batteries, et ce, de la manière la plus rentable possible. Le coût des cellules de batterie devrait baisser avec l’augmentation des capacités de production, mais pour cela, il faut encore construire des giga-usines. Pour que les entreprises puissent faire les investissements nécessaires, des économies doivent être réalisées ailleurs.
L’assemblage des moteurs, par exemple, présente un tel potentiel. Actuellement, les moteurs à combustion standards sont moulés en deux ou trois parties à partir de métal (fer, acier ou alliages d’aluminium), puis fraisés et percés, et enfin assemblés. Les moteurs électriques comportent moins de pièces et se caractérisent par un poids plus faible, ainsi que par une complexité et une contrainte matérielle moindres. Cela ouvre donc la voie à l’utilisation de matériaux plus légers, à des procédés de fabrication moins gourmands en énergie et à des techniques de production innovantes telles que la fabrication additive ou l’impression 3D.
Les procédés de fabrication additive permettent à leur tour de réduire les coûts d’usinage, puisque le fraisage et le perçage sont réduits au minimum. Plusieurs raisons font que cette technologie est particulièrement bien adaptée à la production de batteries pour les véhicules électriques. D’abord, elle offre une plus grande variété de géométries que les procédés classiques, ce qui réduit le poids des pièces. Ensuite, la consolidation des pièces signifie moins de boulons et de vis, ce qui simplifie également le montage ou le démontage pour les réparations et les mises à niveau des produits. Enfin, grâce à la fabrication en flux tendu, les stocks et l’entreposage de pièces détachées ne sont plus aussi nécessaires et la production est moins tributaire de l’implantation géographique.
Favoriser le développement durable en recyclant les matériaux et en réduisant la consommation d’énergie
Le principe de développement durable s’applique aussi bien aux processus de fabrication qu’aux matériaux utilisés (origine, utilisation, réutilisation et recyclage), et aux produits eux-mêmes. Dans la construction des véhicules électriques, le recyclage, la réutilisation et l’économie circulaire sont d’emblée des priorités.
Jaguar Land Rover montre que des approches circulaires sont déjà appliquées dans la construction automobile avec une initiative visant à utiliser l’aluminium recyclé de canettes, de capsules de bouteilles et de véhicules en fin de vie dans la production de nouvelles voitures. Grâce à des techniques de séparation avancées, le métal léger est « surcyclé » et réintroduit dans le processus de fabrication, ce qui crée une boucle fermée et réduit la quantité d’aluminium primaire dans le mélange de matériaux.
La conception générative, une méthode éprouvée pour améliorer le bilan environnemental
Dans un véhicule classique, c’est le moteur qui pèse le plus ; dans un véhicule électrique, c’est la batterie. Plus la batterie est grande, plus elle peut être chargée en électricité. Ainsi, le véhicule peut rouler plus longtemps (ou plus vite) en un chargement. Le rapport entre le poids et les performances de conduite joue un rôle encore plus important pour les véhicules électriques que pour les véhicules classiques à essence ou diesel.
Même de petites économies de poids peuvent augmenter la taille de la batterie en conséquence, ce qui améliore les performances de la voiture et réduit la fréquence de charge. Si l’objectif est de réduire le poids total, ce sont avant tout les matériaux utilisés qui font la différence.
En principe, il y a deux possibilités : un véhicule plus léger peut se concevoir soit en utilisant des matériaux moins lourds, soit en utilisant une plus petite quantité de matériaux. Grâce à la conception générative, les constructeurs automobiles disposent déjà d’une méthode éprouvée pour améliorer le rendement énergétique et le bilan environnemental des véhicules à combustion, qui consiste à remplacer les composants classiques par des matériaux plus légers et recyclables tels que l’aluminium, le magnésium ou les plastiques PLA. La consolidation des composants signifie également moins de pièces détachées.
Non seulement les moteurs électriques permettent de repenser l’aménagement des véhicules, mais ils rendent cette étape impérative. La forme allongée, large et plate des batteries favorise les modèles à centre de gravité bas. Contrairement au moteur à combustion, le poids peut être réparti plus uniformément, de sorte que le châssis n’a pas besoin d’être aussi robuste et peut être plus léger, ce qui contribue à une meilleure efficacité énergétique.
Les efforts de décarbonation de l’industrie automobile sont un facteur d’innovation dans la conception et les processus de production des véhicules. L’électrification offre l’occasion de tester de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques de fabrication qui vont révolutionner la production de véhicules électriques et rapprocher l’industrie automobile de ses objectifs de développement durable.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Zoé Bezpalko, responsable de la stratégie pour le développement durable Conception & Fabrication chez Autodesk.