L’ère de l’IA : vers des centres de données plus durables

Alors que la demande mondiale explose, les efforts pour améliorer la durabilité des centres de données visent à décarboner l’IA.


Des solutions durables apparaissent au fur et à mesure que les exigences en puissance de calcul de l’IA redéfinissent l’écosystème mondial des centres de données.

Un immense centre de données près d’éoliennes.

Shaelyn McHugh

24 novembre 2025

min de lecture
  • Les besoins en ressources de l’IA sont exponentiels comparés à l’informatique traditionnelle. On prévoit que la demande en électricité des centres de données optimisés avec l’IA sera multipliée par quatre d’ici 2030, générant une empreinte carbone énorme.

  • Des efforts pour augmenter la durabilité des centres commencent à apparaître, axés sur l’efficience dans la construction des infrastructures et dans l’application de l’IA elle-même.

  • Côté innovation, on propose le recyclage des infrastructures existantes, la réduction des calculs inutiles, la priorité aux développements tenant compte des collectivités et le recyclage des eaux usées pour le refroidissement des centres.

« Centre de données », le terme semble a priori anodin. On imagine un bâtiment banal, discret et plutôt en zone rurale, alors que la réalité est tout autre. En effet, une quantité phénoménale d’infrastructures est requise pour construire et exploiter des centres de données qui alimentent l’IA, traitent de gigantesques ensembles de données et propulsent l’infrastructure numérique du futur.

Les exigences de calcul de l’IA sont en train de redéfinir l’écosystème et la durabilité des centres de données. Pour pouvoir satisfaire la demande en puissance informatique, les investissements dans la construction de centres de données explosent comme jamais. Il existe actuellement plus de 5 400 centres de données rien qu’aux États-Unis et, d’ici 2030, les entreprises vont devoir investir 5,2 billions de dollars US dans ce secteur pour satisfaire la demande mondiale croissante en IA.

Et la quantité d’énergie requise augmente à vitesse grand V. D’après le rapport spécial de l’Agence internationale d’énergie (IEA) intitulé Energy and AI (l’énergie et l’IA), « on prévoit que la demande en électricité des centres de données du monde entier va plus que doubler d’ici 2030. » L’IA représentera le principal moteur de cette augmentation et la demande en électricité des centres de données optimisés avec l’IA sera multipliée par quatre d’ici 2030.

Pour éviter les surchauffes, un grand nombre d’exploitants s’appuient sur des systèmes de refroidissement par évaporation, qui utilisent l’eau pour refroidir les systèmes. Cette méthode, certes efficace, nécessite une quantité  d’eau considérable : jusqu’à 740 millions de litres par an pour un seul centre, soit 2035 litres par jour. Dans les régions déjà touchées par les pénuries d’eau, ce niveau de consommation accroît les répercussions sur les populations locales.

La croissance exponentielle de l’IA ne faisant que s’accélérer, est-il possible d’atténuer cet épuisement des ressources ? En un mot, oui. Pour contrebalancer leur impact, les exploitants de centres peuvent mettre l’accent sur leurs propres objectifs de durabilité des centres de données et sur les innovations issues de la recherche. En effet, en appliquant des principes de conception durable et en exploitant l’IA elle-même comme moteur d’efficacité, les professionnels de l’architecture, de l’ingénierie, de la construction et de l’exploitation (AECO) ont l’occasion unique de décider comment les centres de données sont conçus, construits et exploités.

Afin de mieux comprendre comment le secteur aborde la question de l’empreinte carbone de  l’IA, Autodesk s’est entretenu avec des dirigeants de tout l’écosystème, notamment NVIDIA, Arcadis, ArtifexAI et Amazon Web Services (AWS). Leurs efforts portent sur l’infrastructure qui alimente l’IA, y compris les centres de données, et l’efficacité des applications d’IA elles-mêmes.

Passer du processeur à l’IA écoénergétique

Murs de processeurs d’un centre de données
Il est nécessaire de faire évoluer les logiciels pour entraîner les modèles d’IA de manière efficace au fur et à mesure que leur complexité et leur envergure vont augmenter.

Pour tenter de décarboner l’IA, des entreprises comme NVIDIA repensent complètement la configuration des centres de données : silicone, systèmes, logiciels et durabilité. Leur nouvelle génération d’infrastructure IA optimise la performance par watt tout en réduisant considérablement l’impact écologique.

Alors que les modèles d’IA grandissent en complexité et en taille, leur fonctionnement nécessite des avancées architecturales et logicielles. Les centres de données classiques, construits autour de processeurs à usage général ne suffisent plus pour les charges de travail de l’IA moderne. Les processeurs qui traitent les tâches de manière séquentielle consomment beaucoup d’énergie pour un rendement limité.

Contrairement aux processeurs classiques, les processeurs graphiques ou GPU exécutent des milliers d’opérations en parallèle, ce qui est parfait pour les exigences gargantuesques de l’IA. L’approche de configuration de NVIDIA comprend un moteur d’inférence distribuée qui équilibre intelligemment les calculs dans les grappes de GPU, réduit le temps perdu et permet une réponse de l’IA en temps réel à un coût énergétique moindre. 

Comparée aux systèmes dotés de processeurs classiques, l’infrastructure IA accélérée par les GPU de NVIDIA traite les données plus vite en consommant moins d’énergie par tâche. Ces dix dernières années, NVIDIA a augmenté x 100 000 l’efficacité énergétique de l’IA en réduisant les calculs inutiles.

« Nous parvenons à créer jusqu’à 30 % d’efficience énergétique dans le centre de données en transférant les tâches de calcul intensif de mise en réseau, de sécurité et de stockage aux GPU », explique Sean Young, directeur AECO, solutions géospatiales et IA à NVIDIA. 

C’est aussi l’occasion de créer une interdépendance entre le bâtiment du centre, les GPU et les racks pour gagner en durabilité. « Le facteur de densité est essentiel et nous permet de construire des centres plus petits avec moins de refroidissement et d’énergie, ajoute Sean Young. Le NVIDIA GB200 NVL72, par exemple, est entièrement refroidi à l’eau et l’eau chaude sortante sert à chauffer le bâtiment. Cela nous confère une efficacité énergétique 25 fois supérieure et une efficacité hydrique 300 fois supérieure pour l’IA que les architectures de refroidissement classique par ventilation. »

En maximisant la performance par watt ainsi que l’efficacité de tout le système, NVIDIA fait progresser les capacités de l’IA et impose de nouvelles normes d’innovation durable à l’ère des calculs intensifs.

Exploiter la puissance des infrastructures existantes

Photo aérienne d’une station d’épuration.
L’eau des stations d’épuration peut être recyclée pour refroidir les centres de données.

Plus la demande des centres de données s’accroît, plus le besoin en énergie, en eau, en matériaux de construction et en superficie augmente en quantités astronomiques. Au lieu de recommencer à zéro, un grand nombre d’entreprises visionnaires trouvent des solutions dans ce qui existe déjà, en recyclant ou en s’installant près d’infrastructures construites à d’autres fins.

L’approvisionnement en eau est un élément essentiel de l’implantation et de l’élaboration des centres de données : il influence les décisions de refroidissement, de variation saisonnière et de qualité de l’eau. Les centres traditionnels ont besoin d’énormes quantités d’eau, ce qui met à rude épreuve les systèmes locaux. Toutefois, de nouveaux modèles plus durables sont en train de voir le jour.

Jim Cooper, directeur mondial de l’eau chez Arcadis, nous explique comment l’entreprise crée les centres les plus durables du monde grâce à des innovations énergétiques et hydriques. La technologie « Co-Flow » avec Tomorrow Water en est un exemple. Construire et intégrer des centres de données près d’une station d’épuration permet l’échange d’eau et de capacités de refroidissement entre les deux sites.

Le système Co-Flow transforme les stations d’épuration vieillissantes en centres modernes de recyclage de l’eau pour refroidir le centre de données. Celui-ci peut ensuite renvoyer ses eaux usées et chauffer directement la centrale Co-Flow en boucle continue.

Cette relation symbiotique entre le centre de données et la station d’épuration entraîne une réduction considérable du gaspillage d’énergie et d’eau. Les deux infrastructures tirent parti d’un emplacement de choix, d’un recyclage illimité de l’eau et d’un accès à de l’énergie renouvelable. Par ailleurs, les collectivités locales profitent d’une meilleure infrastructure pour l’eau, d’eau recyclée en plus, sans oublier les emplois et les revenus fiscaux.

« Les stations d’épuration sont bien placées pour les centres de données, surtout dans les zones urbaines dotées de nombreux services publics, poursuit Jim Cooper. L’eau chaude peut améliorer le traitement des eaux usées. C’est à la fois génial et d’une grande simplicité. Les possibilités sont immenses. Il suffit de réfléchir un peu autrement à notre utilisation des ressources. »

D’autres approches innovantes progressent : des centres flottants qui utilisent une étendue d’eau naturelle pour le refroidissement ainsi que des installations situées près de sources hydroélectriques pour bénéficier d’énergie neutre en carbone sans créer de nouvelles infrastructures.

Dans l’ouest des États-Unis, connu pour ses sécheresses, l’entreprise californienne Nautilus Data Technologies lance une configuration modulaire informée par itération constante via la maquette numérique (BIM). En utilisant l’énergie du refroidissement de l’eau par des circuits fermés d’eau froide, on élimine la consommation d’eau et on réduit l’usage énergétique de 30 %. On peut utiliser ces systèmes sur terre ou près de n’importe quelle étendue d’eau, voire directement sur l’eau.

Tenir compte des collectivités

Un grand centre de données est situé à proximité d'un quartier résidentiel.
Le dialogue avec les collectivités est une étape essentielle dans le développement d’un centre de données responsable.

Chaque nouveau centre de données doit faire l’objet d’un processus complexe d’approbations par les organismes de contrôle, les élus et les citoyens. Ces entités se préoccupent de l’impact écologique, de la lourdeur des infrastructures et des bénéfices collectifs à long terme. Quand on a un vrai dialogue sur ces questions, on pose les bases d’un développement responsable.

L’une des solutions émergentes agit comme une passerelle entre concepteurs et populations locales. L’entreprise ArtifexAI, une start-up montante en IA, fabrique des outils IA pour organiser et analyser les politiques locales, les exigences administratives et l’opinion publique. La plateforme de la start-up utilise l’IA pour extraire des informations clés des documents municipaux publics (par exemple les procès-verbaux de réunions, les codes d’urbanisme et les études environnementales) qui sont souvent enfouis dans des PDF ou éparpillés sur les sites du gouvernement. Cela aide les concepteurs à mieux comprendre les enjeux locaux avant soumission d’un projet.

Selon son créateur Russ Wilcox, l’outil fait office « d’analyste automatisé », et exploite l’IA pour proposer des évaluations de risque en analysant les procès-verbaux de réunions passées et le cadre réglementaire. Il peut aussi cartographier les propositions des centres de données sur plusieurs régions afin de visualiser les impacts cumulatifs potentiels et de hiérarchiser les inquiétudes des habitants, comme les effets environnementaux, les limites des infrastructures et la qualité de vie locale.

« Nous apportons une introspection mondiale inédite sur la durabilité, affirme Russ Wilcox. Les centres ont besoin de conditions environnementales stables, il faut donc connaître avec précision leur emplacement et leur nombre. Jusqu’à présent, ces données n’étaient pas disponibles, mais l’IA a changé la donne. »

Ces informations clés, généralement ignorées ou difficiles à synthétiser, donnent plus de transparence au processus de développement tenant compte des avis des habitants, où durabilité et acceptation sociale se conjuguent.

Des flux de travail avec IA embarquée pour la construction de centres de données

Rendu logiciel montrant une infrastructure d’évacuation d’eau sous les rues d’une ville.
Les outils avec IA embarquée vont dans le sens des décisions durables de conception, de construction et de gestion des centres de données.

Les entreprises intègrent volontiers l’IA directement dans la conception pour créer des flux de travail aux résultats plus durables. L’IA est capable de faire des évaluations de cycles de vie, de simuler des impacts climatiques et de réduire le gaspillage des matériaux. Ainsi et ce faisant, elle aide tous les secteurs à identifier des solutions bas carbone et à prendre des décisions plus durables.

Dans le rapport 2025 State of Design & Make d’Autodesk, l’IA a consolidé sa place au sommet des solutions de durabilité pour les entreprises du secteur, avec des applications qui vont de l’atténuation des catastrophes naturelles à la gestion du cycle de vie d’un projet.

Autodesk AI simplifie les processus cloisonnés, fournit des informations clés aux stades critiques et améliore l’efficacité globale. Cela permet aux clients AECO de redéfinir les possibilités d’un avenir durable, que ce soit dans la construction ou la gestion des bâtiments.

Les architectes et ingénieurs peuvent s’appuyer sur Autodesk Forma pour analyser le vent et l’acoustique lors de la conception de sites et estimer les impacts en carbone incorporé des matériaux. Les flux de travail d’apprentissage automatique d’InfoDrainage les aident à gérer les eaux pluviales ou les inondations sur le site d’un nouveau projet afin de soutenir la résilience climatique.

Ces outils, intégrés aux plateformes de conception ou connectés par des intégrations, aident les équipes à évaluer les compromis, à réduire les émissions et à répondre aux exigences rigoureuses de carbone incorporé.

Amplification d’une approche holistique

Améliorer l’efficacité énergétique ne se résume pas à respecter les objectifs de durabilité : c’est essentiel à la performance, au rendement et à la concurrence à long terme. Dans un secteur aussi gourmand en ressources que celui de l’IA, l’efficacité devient un avantage commercial.

Ces évolutions redéfinissent la façon dont les principaux acteurs (fournisseurs cloud et entreprises d’infrastructures) abordent les défis liés à l’échelle et à la durabilité. Plus la pression de réduire les émissions et de respecter les objectifs climatiques monte, plus les centres de données se retrouvent sous la haute surveillance des régulateurs, des investisseurs et du public.

En l’absence de données carbone exactes et transparentes, les exploitants risquent de se laisser dépasser par les nouvelles normes et de perdre la confiance sociale tacite qui sous-tend leur expansion. C’est ce qui incite les concepteurs à avoir des outils de suivi carbone en temps réel, des évaluations des émissions de scope 1 à 3 et des rapports de cycle de vie pour comprendre et réduire leur impact. 

Les professionnels AECO ont l’occasion d’intégrer la modélisation carbone aux premières phases de la conception et en amont du choix des matériaux. Cela aide les clients à faire des compromis éclairés, à garder une longueur d’avance sur la réglementation et à construire dès le départ de manière responsable. 

Le cadre réglementaire autour de la durabilité des centres de données évolue vite. Que ce soit la Directive relative à l’efficacité énergétique de l’UE, les réglementations fixées au niveau des villes et des États aux États-Unis, les concepteurs font face à de nouvelles exigences de reporting, d’efficacité et de transparence. Les équipes AECO doivent rester à l’avant-garde pour respecter les codes actuels, mais également anticiper les évolutions futures.

Une approche circulaire du cycle de vie des centres de données

Le cycle de vie d’un centre ne se termine pas à sa mise en service. Plus la demande en modularité et longévité augmente, plus les équipes AECO conçoivent dans un but de démontage, réutilisation et récupération des matériaux. Les exploitants étudient des programmes de récupération des biens, de contenu recyclé et de systèmes démontables afin de respecter la circularité (minimiser les déchets futurs et maximiser la flexibilité au long cours).

Pour les leaders du secteur comme AWS, la durabilité n’est pas juste le signe d’une bonne intendance, c’est un principe de conception. L’entreprise, avec l’une des plus grandes implantations cloud au monde, a atteint son objectif d’énergie renouvelable à 100 % en 2023 (sept ans en avance sur son horizon de 2030) ; elle est aussi à mi-chemin du label eau positive d’ici 2030. Le concept de circularité est au cœur de cette évolution : tester ce qui est réutilisable, les installations mobiles, l’utilisation de matériaux recyclés et la récupération des pièces de serveurs pour les réutiliser. Ce concept est particulièrement important s’agissant des charges de travail de l’IA, qui exigent souvent des déploiements rapides et permettent à AWS de s’agrandir ou d’adapter ses infrastructures sans repartir de zéro. 

AWS conçoit également ses propres puces écoénergétiques, Trainium pour l’entraînement de l’IA et Inferentia pour les inférences de l’IA : cela réduit l’énergie nécessaire pour les modèles IA de grande échelle et fait baisser l’impact carbone global. Parallèlement, l’entreprise investit dans des projets et des innovations d’énergie propre de prochaine génération pour garantir que les nouveaux bâtiments et modernisations contribuent à faire baisser les émissions. Tout ceci fait partie de l’engagement plus large d’AWS vis-à-vis du Climate Pledge lancé par Amazon pour atteindre la neutralité carbone dans toutes ses unités d’ici 2040.

« Ce n’est pas une question de choix, conclut Mani Kaur, responsable GTM par IA générative à AWS. La durabilité exige d’appliquer une approche holistique qui comprend la construction bas carbone, l’utilisation responsable de l’eau, des contenus recyclés et des conceptions modulaires ainsi que la façon dont nous concevons nos systèmes logiciels et des systèmes de sauvegarde plus intelligents. »

En alignant sa stratégie de conception, d’exploitation et de chaîne logistique, AWS utilise son envergure pour fixer de nouveaux standards d’infrastructure durable dans tout l’écosystème de la tech.

« La durabilité des centres de données exige une approche holistique qui comprend la construction bas carbone, l’utilisation responsable de l’eau, des contenus recyclés et des conceptions modulaires ainsi que la façon dont nous concevons nos systèmes logiciels et des systèmes de sauvegarde plus intelligents. »

—Mani Kaur, responsable GTM par IA générative à AWS

Des solutions pour forger un avenir plus durable avec l’IA

La construction et l’exploitation durables des centres de données ne sont pas évidentes. Même s’il n’y a pas de solution miracle, il existe de nombreuses opportunités de travailler en tandem pour minimiser l’impact environnemental de l’IA.

Grâce à un accès sans précédent aux informations et aux données, la société ne fait que découvrir son potentiel pour améliorer la prise des décisions et obtenir de meilleurs résultats avec l’IA. De l’optimisation à l’exploitation, les centres de données offrent aux dirigeants du secteur l’occasion de façonner l’innovation technologique et des infrastructures à l’échelle mondiale.

Shaelyn McHugh

À propos de Shaelyn McHugh

Shaelyn McHugh s’intéresse de près à l’impact positif de la technologie sur le monde. Experte des récits de leadership dans les domaines de la technologie, de la construction et de l’architecture, elle travaille actuellement dans l’équipe d’impact d’Autodesk, qui a pour mission de mesurer la durabilité mondiale des industries AECO.

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