7 clés pour atteindre une conception à impact positif dans le secteur de l’architecture et du bâtiment

MASS Design Group défend des pratiques de construction durables au moyen de stratégies numériques holistiques.


Le campus de l’Institut rwandais pour l'agriculture de conservation est le symbole de l’approche holistique de MASS Design Group en matière de conception à impact positif.

Crédit d’image : Iwan Baan.

Un ouvrier en tenue de sécurité marche vers une ossature bois en construction dans une zone rurale.

Taz Khatri

15 septembre 2025

min de lecture
  • Le secteur du BTP (qui inclut l’énergie dépensée pour la construction, le chauffage, la climatisation et l’éclairage, entre autres) représente plus d’un tiers de la consommation mondiale d’énergie et des émissions. Atteindre les objectifs climatiques appelle une mutation du secteur en profondeur.

  • MASS Design Group s’engage à développer de meilleures pratiques, avec une approche holistique de la conception à impact carbone positif.

  • Pour faire évoluer le secteur, il n’y a pas de recette miracle, cependant, ces sept stratégies peuvent guider les entreprises dans leur recherche de transformations efficaces.

Lorsque Taylor Klinkel, architecte senior chez MASS Design Group, travaillait sur le chantier de l’Institut rwandais pour l’agriculture de conservation (RICA), elle était bluffée par le trajet court et simple entre le lieu de fabrication des matériaux de construction et le chantier. Si court que l’on pouvait presque le faire à pied d’un bout à l’autre.

« On les voyait creuser l’argile pour les tuiles, observer leur cuisson dans le four, on savait d’où venait le bois qui alimentait le feu, et ensuite on voyait les tuiles fraîchement arriver sur le chantier », explique Taylor Klinkel.

Comparez cela au long et sinueux chemin pavé d’émissions de CO2 que les matériaux de construction empruntent dans la plupart des pays développés. Par exemple, selon le blog Construction Analytics Economics Behind the Headlines, les États-Unis importent 30 % des 40 millions de tonnes d’acier utilisées dans le BTP. D’après l site Global Efficiency Intelligence, « en prenant l’année 2019 comme année de référence, l’analyse révèle que le total de carbone incorporé dans les importations d’acier aux États-Unis s’élevait à environ 38 millions de tonnes (Mt) de CO2. Cela représente environ 45 % du total des émissions carbone de l’industrie de l’acier aux États-Unis pour 2019. »

La provenance des matériaux est l’un des aspects du secteur du BTP qui doit profondément être transformé afin d’adopter une conception positive en carbone. « Le secteur du bâtiment, qui comprend l’énergie utilisée pour construire, chauffer, climatiser et éclairer les logements et les entreprises, ainsi que les appareils et équipements installés, représente plus d’un tiers de la consommation énergétique mondiale et des émissions », selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

MASS Design Group, un collectif à but non lucratif composé d’architectes, de paysagistes, d’ingénieurs, d’écrivains, de réalisateurs et de chercheurs issus de 20 pays, a défini sept stratégies qui redéfinissent certains aspects de l’industrie de la construction afin de la transformer en une force régénératrice plutôt que destructive.

1. Adopter une approche holistique

Selon le Plan d’action durable de MASS Design Group publié en 2024, le BTP est actuellement le plus grand consommateur de matières premières et génère un tiers de l’ensemble des déchets. Les bâtiments sont responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’énergie dans le monde. Du fait d’une croissance effrénée sans aucun signe de ralentissement en vue, la surface de plancher construite en Afrique devrait doubler d’ici 2060.

MASS Design Group veut inverser la vapeur en mettant à disposition des approches holistiques afin de créer un avenir positif en carbone. Le collectif définit un projet positif en carbone comme « un projet qui compense ou séquestre plus de carbone qu’il n’en émet lors de sa construction et de son exploitation. » Une définition plus simple d’un projet positif en carbone est celle d’un projet qui peut régénérer le climat.

2. Diversifier les disciplines internes

 Un groupe disparate de professionnels travaille ensemble autour d’une table et passe en revue des plans et des documents.
La mise en place d’une approche de conception holistique signifie qu’il faut réfléchir à des moyens d’intégrer les diverses disciplines.

La mise en place d’une approche holistique commence par la manière dont les entreprises considèrent les disciplines qu’elles mobilisent et comment les faire travailler ensemble efficacement. Selon Taylor Sinclair, architecte-paysagiste senior, « avoir autant de disciplines sous notre toit fait la puissance de MASS Design. En tant qu’organisation à but non lucratif et nous pouvons vérifier si  nos partenaires sont en phase avec nous. Ainsi, il est beaucoup plus simple d’avoir ce type de conversations. »

La prise en compte dès le début d’un projet d’aspects tels que l’aménagement paysager permet également de comprendre l’impact environnemental global du projet et de déterminer comment atténuer ses effets négatifs. C’était important en particulier pour les projets de MASS Design tels que le campus RICA, qui avait pour objectif de doter un campus d’un aménagement favorable au climat.

« Du point de vue paysager, nous essayons de créer des paysages productifs à partir d’une approche de type compensation carbone intégrée, explique Taylor Sinclair. C’est vraiment agréable de pouvoir discuter de ces questions avec nos propres architectes-paysagistes, ingénieurs et architectes. De cette manière, les architectes ne portent pas seuls la responsabilité de faire le bâtiment le plus efficient possible. »

3. Coordonner les équipes grâce aux maquettes numériques

Un architecte crée la maquette numérique 3D d’un bâtiment.
Utiliser une maquette numérique unique facilite la collaboration à distance.

Lorsqu’une entreprise investit dans des solutions technologiques, utiliser une maquette unique à tous les acteurs du projet simplifie la collaboration, où que se trouvent les participants. MASS utilise Revit d’Autodesk où chaque discipline peut intervenir sur une maquette unique plutôt que s’échanger les documents plusieurs fois. L’évaluation des processus, l’utilisation de matériaux et les objectifs durables sont beaucoup plus transparents.

« La collaboration interdisciplinaire soutient aussi la productivité, permet d’atteindre les objectifs de durabilité plus vite, simplement par des échanges sur ce qui va bien, ce qui ne va pas, ce sur quoi les autres équipes travaillent et comment cela affecte le projet dans son ensemble, renchérit-elle. »

4. Établir des métriques

Un homme et une femme traversent une cour intérieure baignée de soleil et habillée de panneaux de bois.
Pour choisir les matériaux de construction, les architectes doivent penser à l’impact sur la collectivité ainsi qu’à l’empreinte carbone, comme MASS Design l’a fait avec le campus RICA. Crédit d’image : Iwan Baan.

MASS a mis au point deux métriques dans son Plan d’action durable qui servent de principes directeurs pour la création d’un projet à impact carbone positif. La première est l’initiative Performances et provenance, axée sur le lieu et les conditions de production d’un matériau de construction et ses performances durant son cycle de vie après installation. Cependant, lorsqu’on évoque la provenance, il convient de pousser la réflexion au-delà des émissions carbone, ajoute Chris Hardy, responsable de la conception chez MASS. « Il est important que nous, architectes, prenions en compte les origines, les récits et les personnes impliquées dans la production, à l’heure de nos choix de matériaux. » Lors de la conception du campus RICA, par exemple, MASS Design a pris soin d’éviter de puiser dans les forêts de l’est du Congo parce que le processus d’exploitation y est plus destructeur que dans d’autres forêts gérées et la vitesse de croissance y est beaucoup plus lente.

Le choix des matériaux peut peser d’autant plus sur la santé. Le PVC est un matériau bien connu pour la plomberie et d’autres filières du bâtiment, mais un lien a été établi entre sa production et des cas de cancer. Chris Hardy évoque une zone de la Louisiane appelée Cancer Alley (le couloir du cancer) : « c’est là que tout le PVC est fabriqué ; parce que les personnes qui travaillent dans les usines et vivent dans les villes polluées par ces usines ont un taux beaucoup plus élevé de certains cancers. »

Ne pas tenir compte de la provenance peut avoir de graves implications sur le « score carbone » du bâtiment, sans oublier l’exploitation potentielle des populations lors de l’extraction ou de la production des matériaux.

5. Évaluer les performances

La partie « performance » de l’initiative Performances et provenance analyse le comportement du matériau une fois posé. Le matériau dégage-t-il des émissions ? Rend-il les utilisateurs du bâtiment malades ? Altère-t-il la qualité de l’air ? Taylor Klinkel se dit enthousiaste, car l’initiative oriente les architectes dans leur choix de matériaux « plus sains pour leur entourage, sans émission. Nous constatons que nous pouvons améliorer les bâtiments pour les usagers et les plantes, et que tout fonctionne très bien, dans une grande harmonie. »

Un autre aspect de la partie performances est la longévité des matériaux et l’échéance à laquelle ils devront être remplacés. « C’est le cycle entier de vie du projet qu’il faut examiner, explique Chris Hardy. Parfois, des matériaux importés plus durables dans le temps avec de meilleures performances sont préférables à un produit de la fabrique du coin. » Cela dit, il n’y a pas de solution miracle conduisant à un avenir à impact carbone positif. En réalité, ajoute-t-il, chaque projet, chaque lieu et chaque écosystème appelle à des solutions spécifiques, portées par l’analyse des données, la collaboration et les liens qu’on établit. « C’est une équation à plusieurs facteurs, qui doivent rester équilibrés, car mettre en avant un seul aspect n’est pas toujours la panacée. »

6. Établir le cadre d’impact

Un technicien CVC, équipé de son matériel de sécurité, inspecte et répare des unités de climatisation externes.
Les systèmes CVC et autres installations doivent être simples à manipuler pour les utilisateurs, afin d’atteindre un impact opérationnel maximal.

La seconde métrique que MASS a élaborée dans son Plan d’action durable est le Cadre d’impact. Le Cadre d’impact permet d’observer comment les décisions de conception, de construction et de fonctionnement affectent trois catégories : les systèmes de matériaux, les systèmes constructifs et les écosystèmes. Le Cadre d’impact se compose d’une série de « questions régénératives » pour chaque  catégories. Par exemple, dans la catégorie écosystème, « comment un chantier peut-il améliorer la santé de l’eau et des sols ? » ou « comment ce lieu peut-il être aussi luxuriant que l’espace sauvage voisin ? »

Taylor Klinkel explique que poser des questions régénératives peut s’avérer utile dans la pratique quotidienne de l’architecture. « Comment peut-on développer la flore et la faune locales et rendre l’endroit meilleur qu’au départ, c’est ce que nous essayons de faire  même dans les projets très urbains, dit-elle. Ensuite, nous nous demandons comment réduire les émissions carbone du bâtiment, des matériaux et de la structure. Enfin, le troisième point concerne le carbone opérationnel : comment garantir que le bâtiment reste efficient dans sa gestion sur le long terme ?

Voici une situation dans laquelle le choix d’un système CVC pratique pour l’utilisateur prend en considération l’impact opérationnel : « on étudie l’ensoleillement et les systèmes mécaniques en s’assurant qu’ils ne soient pas trop compliqués pour que l’exploitant puisse les faire tourner facilement. Sinon, cela finit par coûter plus cher, car le système est trop complexe, renchérit-elle. Un jour, vous n’avez pas remplacé le filtre à temps et votre facture d’énergie explose, par exemple. »

7. Envisager d’autres solutions que la construction

Un groupe de designers rassemblé autour d'un bureau, examinant des plans de construction numériques sur un écran et une tablette.
Parfois, la meilleure solution sur le plan environnemental est de construire de plus petits bâtiments, ou même ne rien construire du tout.

Une des conclusions voltairiennes de la mise en œuvre des initiatives du Plan d’action durable est que la meilleure solution pourrait être de ne rien construire. Par exemple, lorsqu’on fait appel à MASS pour aider les organisations non lucratives à construire un nouveau bâtiment, le collectif se penche en premier lieu sur les besoins de ces organisations et pose la question : « un nouveau bâtiment est-il vraiment la solution à vos problèmes ? »

« On travaille beaucoup en amont des projets, bien plus qu’un architecte classique, détaille Chris Hardy. Parfois, on collabore avec des partenaires associatifs qui pensent avoir besoin d’un bâtiment, et il s’avère qu’ils ont surtout besoin d’un plan stratégique et d’un cadre conceptuel. » Lorsque la construction est inévitable, la recommandation est de construire petit, ce qui implique souvent de réutiliser les bâtiments existants. Si la réutilisation ou la rénovation ne sont pas envisageables, alors la solution est de créer une nouvelle structure aussi durable et efficiente que possible.

Forger un avenir positif en carbone ne sera pas chose aisée. Pour MASS Design Group, la seule façon d’y parvenir est de poser des questions difficiles qui pourraient bouleverser les méthodes conventionnelles du BTP. Comme le rappelle Chris Hardy, le changement est notre seule option.

« La façon dont le bâti fonctionne aujourd’hui est néfaste, renchérit-il. Nous avons fait tant de dommages collectifs à l’environnement que le climat doit être notre préoccupation majeure, surtout dans un secteur qui génère autant d’émissions. Nous devons œuvrer en faveur d’une approche plus régénérative, équilibrée et axée sur l’écologie dans la manière dont nous concevons et construisons les bâtiments. »

Taz Khatri

À propos de Taz Khatri

Taz Khatri est architecte et possède son propre cabinet Taz Khatri Studios, spécialisé dans les petits immeubles collectifs, la préservation du patrimoine historique et les petits projets commerciaux. Taz est passionnée par l'équité, l'urbanisme et la durabilité. Elle vit et travaille à Phoenix, en Arizona.

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