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Les robots intégrés à la main-d’œuvre : l’automatisation, ère nouvelle de l’ingénierie

Depuis l’aube de la production industrielle, les concepteurs et les ingénieurs n’ont eu de cesse de repousser les limites de la fabrication des objets.

Leur capacité à concrétiser leurs idées et à leur trouver un débouché sur le marché était limitée par le choix du site de production – soit local, soit délocalisé – des objets qu’ils souhaitaient créer.

Cependant, grâce à au perfectionnement de la robotique, l’automatisation industrielle, l’impression 3D, la conception générative et la convergence design-fabrication, les limitations qui s’imposaient aux projets des ingénieurs vont disparaître. En effet, l’intelligence et la puissance de l’apprentissage automatique, des ordinateurs et des robots intégrés à la main-d’œuvre ne cesse de croître.

Mais qu’est-ce que l’automatisation accrue signifie pour les ingénieurs de l’industrie et du BTP ? L’automatisation va-t-elle engloutir leurs emplois ou le rôle des ingénieurs va-il évoluer ?

Selon moi, la réponse est la suivante : n’ayons pas peur des robots. Une révolution industrielle plus localisée, plus personnalisée et plus créative est en train de voir le jour.

Ingénieurs du futur, soyez les bienvenus !

À l’heure actuelle, les ingénieurs créatifs sont obligés de concevoir la géométrie de leurs projets sur les plateformes de CAO pour en évaluer la viabilité. À l’avenir, ils pourront passer plus de temps à en déterminer les exigences et à les analyser, de façon à ce que les ordinateurs puissent générer de nouvelles options géométriques qui les aideront à travailler plus vite. De ce fait, le champ des hypothèses va s’élargir, ce qui créera de nouveaux défis et de nouvelles possibilités.

SpaceX en est un exemple : cette année, après cinq tentatives échouées, le projet a réussi à faire atterrir deux fusées sur un bateau. Et si, au début du processus, les ingénieurs avaient entré les paramètres du projet dans un outil de conception générative ? Peut-on imaginer des capteurs de fusées – enregistrant le stress du train d’atterrissage, les défaillances hydrauliques ou d’autres dysfonctionnements – qui pourraient instantanément renvoyer toutes les données au logiciel de conception générative ? L’ordinateur pourrait ensuite générer des options améliorées et moins chères auxquelles l’ingénieur n’avait pas pensé, ce qui l’aiderait à identifier la meilleure solution plus facilement. L’identification des exigences ne se fera plus selon des phases ponctuelles dans le temps, mais suivant une interaction dynamique continue dans la boucle conception-fabrication-utilisation.

De même, les ingénieurs structure et les ingénieurs fluides vont pouvoir résoudre des questions complexes à l’aide de la conception générative et de l’automatisation de la préfabrication dans l’industrie de la construction modulaire (PDF). La convergence fabrication-construction signifie que davantage d’éléments et de systèmes (tels que les blocs d’arrivée des réseaux fluides, les gaines et les murs-rideaux) seront préfabriqués dans des usines hors site, ce qui libérera les ingénieurs, qui pourront ainsi porter leur attention sur d’autres problèmes plus compliqués.

Même si tout cela semble être une bonne nouvelle pour les métiers du génie, la polémique des répercussions de l’automatisation sur les ouvriers des usines et du bâtiment ne cesse d’enfler. La main-d’œuvre va devoir s’adapter, que ce soit par le biais de formation à des tâches plus sophistiquées ou en se tournant vers des industries montantes (telles que le secteur de la santé, l’éducation, ou les énergies propres). Il est indéniable que demain, les robots se chargeront des tâches répétitives, dangereuses et impossibles, et remplaceront des emplois humains, mais l’avènement de l’automatisation et de la robotique est globalement porteur de bonnes nouvelles.

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Robot Adidas Speedfactory à Ansbach, en Allemagne. Avec l'aimable autorisation d'Adidas.

Aux États-Unis, le secteur secondaire représentait autrefois un gros pourcentage de l’emploi, mais ce chiffre a baissé et continue son déclin inexorable. Toutefois, les chiffres montrent que les délocalisations et la perte des emplois manufacturiers ont atteint le creux de la courbe. Sur un graphe, le delta entre le creux de la courbe et l’amorce de sa reprise correspond au segment où des personnes dirigent des usines automatisées et où de nouvelles entreprises commencent à répondre aux besoins de la production personnalisée.

Fabriqué pour vous, au bout de la rue

L’automatisation permettra de construire des choses près des lieux où elles sont consommées à un prix sensé – ce qui signifie que la fabrication va revenir aux USA et dans d’autres pays qui étaient dépendants des eldorados de la fabrication délocalisée comme la Chine.

Selon le Wall Street Journal, « Au fur et à mesure que les robots deviendront moins chers et plus accessibles, ils aideront les fabricants à rejoindre les géants. » Les pays dotés d’un salaire minimum élevé économiseront de l’argent en allouant certains processus aux robots industriels.

En 2014, cinq pays se sont taillés la part du lion des ventes de robots industriels : la Chine, le Japon, les États-Unis, la Corée et l’Allemagne. À mesure que les autres pays entreront dans la danse, les sociétés effectueront les mêmes transferts vers l’automatisation de leurs usines pour leurs propres marchés intérieurs.

Le secteur secondaire américain retrouvera-t-il sa gloire d’antan? Non. Mais peut-il reconquérir une part plus conséquente de l’emploi par l’intermédiaire d’un renouveau industriel ? Absolument. Sachant que le coût réduit de l’automatisation va rapprocher la fabrication du lieu où les gens consomment les produits, cela attirera un nouveau type de fabricant, dont l’activité se concentre sur les biens de consommation.

La fabrique de chaussures Under Armour, basée à Baltimore, travaille à la réalisation de son plan Project Glory  qui augmenterait l’usage de l’automatisation pour permettre une fabrication « destinée au marché local » (les entreprises américaines produiraient pour le consommateur américain et les entreprises brésiliennes, pour le consommateur sud-américain).

À San Francisco, Rickshaw Bags associe production personnalisée et production locale. À Ansbach, en Allemagne, s’est ouverte en décembre dernier la première des usines Adidas Speedfactory, dont le but est la production robotisée de chaussures sur mesure pour répondre à la demande locale et livrer rapidement les commandes.

C’est le Big Bang de la créativité

Et si ce principe de chaussures sur mesure pouvait s’appliquer à des produits manufacturés plus complexes ? Imaginons que les ingénieurs puissent utiliser des systèmes qui exploitent l’automatisation – tels que l’impression 3D et la conception générative – pour concevoir des dispositifs complexes sur mesure, et les fabriquer rapidement ? Il y aurait ainsi plus d’ingénieurs, ils exploreraient un éventail plus large d’idées, ils choisiraient celles qui marchent et prendraient de meilleures décisions. Ils passeraient moins de temps à réfléchir sur comment produire une chose et plus de temps sur sa nature et ce à quoi elle sert.

À mon avis, le monde à venir aura besoin de plus d’ingénieurs : du fait de l’élimination des obstacles à la création, davantage de personnes s’y investiront. Par conséquent, si les chaînes de production nécessitent moins d’ouvriers, les concepteurs et les ingénieurs pourront construire plus de choses, ce qui offrira un choix accru à leurs clients et cela créera de nouveaux débouchés. Cela signifie aussi qu’ils auront davantage de temps pour explorer des idées nouvelles, telles que la maison au bilan carbone positif d’ArchiBlox ou le vélo poussette de Taga.

L’avenir promet d’être passionnant pour les ingénieurs : ils pourront concevoir pour les marchés locaux, de nouveaux produits à des prix plus bas, qui seront fabriqués de manière plus efficace par des usines robotisées. Et sachant que les robots peuvent produire des choses dont les humains sont incapables, les ingénieurs pourront explorer davantage d’idées et créer davantage de produits.

Il faudra également du personnel humain pour réaliser et maintenir ces environnements de production. Par conséquent, une nouvelle profession va voir le jour, qui consistera à concevoir et à construire de meilleures usines. Et leur nombre risque d’être élevé, car elles seront plus petites et plus compactes. Résultat, en dehors des marques mondiales comme Nike ou Mercedes, très peu de gens bénéficieront de l’économie de fabrication à grande échelle.

Mais une chose est sûre : que les ingénieurs travaillent pour des grandes marques mondiales ou pour des petites startups, ils ne connaîtront plus la frustration que leur imposaient les limitations passées. Le monde s’ouvrira à eux, et ce monde sera fabriqué par des robots.

À propos de l'auteur

Andrew Anagnost est le président-directeur général d’Autodesk. Il a plus de 25 ans d’expérience en produits, business, et marketing, axée sur la stratégie, la transformation et le développement de produits, chez Autodesk, Lockheed Aeronautical Systems Company, et EXA Corporation. Il a également obtenu un doctorat à l’université de Stanford et a travaillé au centre de recherche Ames de la NASA dans le cadre d’un post-doctorat du Conseil national de la recherche des États-Unis. M. Anagnost a commencé sa carrière chez Autodesk en 1997 et a occupé un large éventail de fonctions dans les domaines du marketing, du développement, de la gestion des produits, et du développement des produits. Avant de devenir président-directeur général en juin 2017, il a occupé le poste de directeur du marketing et de vice-président principal Business Strategy & Marketing. À ce titre, il a été l’architecte et le chef de file de la transition de la stratégie d’Autodesk, qui a transformait Autodesk en un fournisseur de solutions SaaS (Software-as-a-Service). Auparavant, Andrew Anagnost a occupé divers postes de direction au sein d’Autodesk. À ses débuts, il a dirigé le développement des produits de fabrication de l’entreprise et a permis à Autodesk Inventor d’atteindre plus de 500 millions de dollars de chiffre d’affaires. M. Anagnost est membre du conseil d’administration d’Autodesk. Il est titulaire d’une licence en ingénierie mécanique de la California State University, Northridge (CSUN), d’un master en sciences de l’ingénieur et d’un doctorat en ingénierie aéronautique et informatique de l’université de Stanford.

Profile Photo of Andrew Anagnost, Autodesk CEO - FR