L’économie circulaire, une approche zéro déchet axée sur l’utilisation et la réutilisation continue des ressources, gagne du terrain en architecture. Elle s’étend au-delà du recyclage puisqu’elle impose le surcyclage dans la conception et la construction. La mise en œuvre de ce cycle en circuit fermé implique l’adoption d’une approche verticale globale, allant de l’efficacité des différents matériaux à la finalité du bâtiment lui-même.
Comment concevoir et construire un bâtiment pour la circularité ?
Concevoir pour la circularité signifie tenir compte du cycle de vie complet d’un bâtiment et de ses utilisations ultérieures : c’est l’approche dite « du berceau au berceau».
« Prenez une simple bibliothèque, explique Tony Saracino. Elle est peut-être trop abîmée pour être réparée, mais au lieu de la jeter, on pourrait réutiliser ses étagères dans un autre objet de même largeur et de même longueur. Voilà comment la conception intelligente peut conduire à la circularité. »
Ce concept s’applique également à l’échelle d’un bâtiment. « Pensez à ces anciennes usines reconverties en logements, poursuit Tony Saracino. C’est un bel exemple de circularité dans un bâtiment. On a pris un ancien site de production pour en faire des habitations, parfois avec une intervention minimale – les mêmes poutres de séquoia courent le long des plafonds et des piliers, et les sols sont d’origine. »
Pour tirer le meilleur profit de la circularité dans la conception de bâtiments, la digitalisation de bout-en-bout est essentielle, comme l’explique Clay Nesler : « Vous passez d’un croquis sur un iPad à une maquette BIM. Vous simulez tout, vous optimisez la conception (pour une consommation énergétique optimale) et vous calculez la quantité de carbone intrinsèque contenue dans les matériaux. »
« Puis vous téléchargez ces données dans un système qui les associe à tous les capteurs et les appareils du bâtiment afin non seulement d’exploiter de façon optimale le bâtiment, mais aussi d’en faire un producteur et non plus un consommateur d’énergie. Il la stocke, la gère et, oui, utilise un peu d’énergie, espérons-le, propre. Et puis, il y aura aussi une petite annotation sur les murs en béton et sur les poutres en acier pour savoir exactement ce qu’ils contiennent quand le bâtiment sera démoli dans 50 ans. »
Et au responsable mondial du département Bâtiments et énergie au Centre WRI Ross pour des villes durables de l’Institut des ressources mondiales d’ajouter : « Les communautés mal desservies seront les plus pénalisées par le changement climatique, mais les plus avantagées par des bâtiments économes et durables. »
Concevoir les bâtiments comme des banques de matériaux
Les processus de construction actuels traitent les matériaux de façon inefficace, et la conception de structures omet une infinité de possibilités d’application. Et si, à l’inverse, on considérait plutôt les bâtiments comme des lieux de stockage temporaire de matériaux et de composants précieux ? Il s’agit alors d’aborder les bâtiments comme des banques de matériaux.
« Un bâtiment est constitué d’un grand nombre de composants, constate Tony Saracino. Il y a du bois au sol, des dalles de béton, des tuyaux en cuivre. Tous ces matériaux sont ensuite conservés au sein de cette banque que constitue un bâtiment. L’idée est donc d’assembler un bâtiment de façon à connaître le contenu de cette banque lorsqu’il arrive en fin de vie. Et pour qu’il soit facile à démanteler, pas juste bon à démolir. »
Par ailleurs, la digitalisation est une étape de plus en plus importante dans la conception des bâtiments comme banques de matériaux. « Jusqu’à présent, on détruisait un mur sans avoir la moindre idée de ce qu’il contenait, résume Clay Nesler. Une maquette BIM devra indiquer toutes les informations relatives aux matériaux utilisés et faciliter leur réutilisation, leur transformation, etc. »