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LASIMM, énorme machine hybride, repousse les limites de la fabrication additive/soustractive

hybrid manufacturing Franck Messmer Johnny van der Zwaag LASIMM project

Lorsque des imprimantes 3D domestiques ont commencé à apparaître sur Maker Faire il y a environ dix ans, l’idée d’imprimer toute une maison semblait irréalisable. Pourtant, des quartiers entiers sont désormais réalisés à partir de béton imprimé. La fabrication additive peut donc clairement fonctionner à plus grande échelle. Elle peut même désormais générer des composants plus complexes et plus techniques destinés à l’architecture. Un consortium d’entreprises, d’universités et d’ONG le prouve avec la LASIMM, une énorme machine qui peut fabriquer de manière additive et soustractive des poutres métalliques.

L’industrie s’est concentrée sur la fabrication additive de produits commerciaux avec des géométries complexes pour lesquels l’usinage est peu pratique ou trop cher. Il s’agissait généralement d’objets plutôt petits. Mais Foster + Partners, un cabinet mondial d’architecture, d’urbanisme et de design a repoussé les limites d’échelle de la fabrication additive en concevant et en programmant une charpente en métal ajouté de cinq mètres de long, produite en sections.

Le projet prouve le concept de machine modulaire additive/soustractive à grande échelle (LASIMM pour Large Additive/Subtractive Integrated Modular Machine). Ses concepteurs considèrent que le système pourrait réduire le temps et les coûts de fabrication de 20 % et augmenter la productivité pour de gros volumes de production de fabrications additives de 15 %.

hybrid manufacturing close-up of milling robot for lasimm
Gros plan du robot spécialisé en fraisage pour fabrication soustractive. Crédit: LASIMM.

Financée par le programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne Horizon 2020, la LASIMM est conçue pour imprimer en 3D des parties métalliques et des structures destinées à la construction d’un diamètre maximum de deux mètres, d’une largeur maximum de six mètres et d’un poids maximum de deux tonnes. Foster + Partners est l’un des dix partenaires sur le projet LASIMM, dont les logiciels sont pour l’essentiel fournis par Autodesk.

La firme aérospatiale BAE Systems et le fabricant d’éoliennes danois Vestas Wind Systems A/S, partenaires du projet LASIMM depuis le début ont rejoint Foster + Partners pour la fabrication de produits de démonstration pour un projet-pilote en 2019. L’objectif de Foster + Partners était de produire une charpente en porte-à-faux en acier de construction qui démontrerait le potentiel de la technologie afin de l’intégrer dans un bâtiment futur.

« Foster + Partners investit depuis toujours dans la recherche destinée à faire avancer la science des matériaux utilisés pour nos bâtiments, et ainsi déterminer quels sont les meilleurs en matière de performances spatiales ou de caractéristiques de conception », explique Josh Mason, ingénieur de conception pour l’entreprise Specialist Modeling Group.+

« Nous cherchons à mieux contrôler les volumes structurels, explique Josh Mason. Généralement, nous recevons des demandes pour des poutres en double T ou des plaques et cela nous demande beaucoup d’efforts pour les fabriquer, les couper et les souder. Si nous pouvions les imprimer en 3D et contrôler leur géométrie, nous pourrions intégrer des éclairages, des conduits, des systèmes de circulation d’air, de chaleur et d’acoustique directement dans la structure de l’élément »

Les concepteurs voulaient montrer ce qu’il se passait en termes de structures dans la charpente, visualiser les lignes de tension inhérentes à la conception. « Les bords supérieurs et inférieurs de la poutre sont biseautés vers l’extérieur, et le plan de la charpente est en fait entièrement basé sur des lignes de tension, ajoute Samuel Wilkinson, un associé de Foster + Partners. Vous pouvez visualiser la tension et la compression de la poutre dans la disposition des éléments de la charpente. »

hybrid manufacturing lasimm machine with messmer and van der zwaag
Johnny Van der Zwaag (à gauche), chef de projet pour la recherche et l’innovation du projet LASIMM et Franck Messmer (à droite), chef de projet senior du projet LASIMM. Crédit: LASIMM.

Le projet LASIMM était réalisé à Pampelune en Espagne, dans les locaux du projet partenaire Loxin, une entreprise de robotique. La machine comprend un module de bras robotiques industriels et un robot de fraisage industriel. Elle est capable de fabrication additive, d’usinage (travail « soustractif », de métrologie et d’inspection.

Le processus de construction additive de la poutre en porte-à-faux a commencé avec des plaques en acier et des composants soudés par couches successives. L’équipe a mis en place un flux de travail de conception générative par lequel un ensemble de contraintes ont automatiquement créé un ensemble de conception. Les contraintes pour la poutre étaient relativement simples : cinq mètres de long, 500 millimètres de large, et 120 millimètres de profondeur s’amenuisant à 50 millimètres à son bout, le tout pour une charge ponctuelle de 500 kilos.

L’équipe a testé différentes tailles pour les poutres (cinq mètres, deux mètres, et quelques options entre les deux), chacune ayant des utilisations potentielles à différentes échelles. Le flux de travail génératif a adapté ses conceptions à différentes formes et dimensions. Josh Mason explique : « La structure interne et la profondeur de la poutre étaient vouées à évoluer, mais depuis nos études initiales il était clair que le flambement hors plan entraînerait des contraintes structurelles ».

La LASIMM intègre un logiciel de programme unique qui contrôle tous les systèmes sur une seule machine. Crédit: LASIMM.

Le flambement se produit quand la chaleur dégagée par le processus de soudage déforme le métal en une sorte de selle paraboloïde, comme une chips de pomme de terre. Pour équilibrer la distribution de chaleur sur la plaque, il a fallu souder un côté et la tourner pour souder une structure en miroir de l’autre côté. « Il faut en permanence tourner et retourner la plaque pour ajouter une autre couche. Il y a une symétrie dans le procédé qui est nécessaire pour les grosses pièces. C’était l’une des contraintes les plus importantes : l’orientation des pièces par rapport à la plaque originale » ajoute Samuel Wilkinson.

L’objectif principal de la recherche de matériaux est une meilleure performance. Et Josh Mason d’expliquer : « Il est inhabituel de concevoir des niveaux de résolution pareils ; nous avons dû tester avec le trajet d’outil ce à quoi la texture de surface ressemblerait. Nous aurons la possibilité de spécifier ces points dans nos conceptions futures ».

L’équipe de Foster + Partners a pris des décisions relativement prudentes pour cette conception. L’un des objectifs des projets futurs est de trouver des moyens de créer des formes plus libres et de construire à partir d’une plaque plus petite.

L’objectif à moyen terme est d’employer la LASIMM sur un véritable projet à but commercial. Josh Mason développe cette idée : « Si nous travaillons sur un gros projet avec un élément qui revient souvent, c’est toujours plus rentable de faire un moulage. Mais nous pensons qu’il est plus stimulant du point de vue de la conception, d’essayer d’avoir des pièces toujours uniques. C’est notre rêve : que chaque élément soit unique sans que le projet final ne coûte plus cher ».

La LASIMM intègre un logiciel de programme unique qui contrôle tous les systèmes sur une seule machine. Crédit: LASIMM.
 
La configuration modulaire fait appel à plusieurs robots industriels pouvant être reconfigurés pour créer différentes pièces. Crédit: LASIMM.
 
Il pourrait être possible de répliquer les fonctionnalités de la machine à une échelle plus petite et plus facilement déplaçable. Crédit: LASIMM.

Les concepteurs pensent explorer plus en profondeur ce que la LASIMM peut faire dans d’autres domaines, en utilisant d’autres matériaux pour l’intégrer dans des constructions en bois, en fibre de carbone, etc. « Beaucoup de gens utilisent la construction additive pour différentes raisons, et l’idée de la mélanger à de nouvelles techniques pour utiliser les matériaux plus intelligemment nous intéresse beaucoup, explique Samuel Wilkinson. Quand nous utilisons des matériaux en vente libre ou coulons du béton, nous sommes toujours limités par les contraintes des matériaux extrudés. Il sera un jour plus rentable d’utiliser le procédé additif. »

Cette technologie a également le potentiel de transformer la chaîne logistique de projets architecturaux. La LASIMM est énorme, mais ses fonctionnalités peuvent être reproduites en utilisant des composants et des configurations de taille plus modeste, plus facilement transportables.

Cependant, le scénario le plus probable serait de mettre en place un réseau de fabrication mondial au service des marchés régionaux. Des normes doivent être mises au point pour que chaque unité de fabrication puisse être contrôlée et certifiée afin de respecter les normes mondiales de qualité et de répétabilité. La mise au point d’un tel système de certification serait relativement simple pour fabriquer des copies de pièces standardisées. Il devient en revanche plus compliqué de créer un système de certification quand chaque partie est unique et utilise une approche de conception générative. « Cela introduirait une nouvelle contrainte qui imposerait que le processus génératif ne puisse créer que des pièces certifiées », termine Samuel Wilkison.

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