Réalité virtuelle en architecture : 4 astuces pour débuter
Vous visitez une élégante villa et vous admirez les grandes baies du salon, les peintures qui sont accrochées aux murs et la cuisine spacieuse. Les lustres projettent une lumière tamisée, le carrelage du sol brille sous vos pieds et le mobilier a l’air confortable. Puis vous enlevez votre casque de réalité virtuelle et reprenez la discussion.
Ce mode de présentation est de plus en plus utilisé à mesure que davantage d’architectes intègrent la réalité virtuelle (RV) à leurs méthodes de travail. Elle et ses cousines, la réalité augmentée (RA) et la réalité mélangée (RM), permettent aux concepteurs de repousser les limites de la visualisation, car elles constituent un nouveau support permettant d’explorer un bâtiment ou un espace, longtemps avant que le chantier n’ait commencé. Grâce à la réalité virtuelle, les architectes peuvent montrer à leurs collaborateurs et à leurs clients, non seulement à quoi ressemblera un bâtiment, mais aussi quelles sensations celui-ci produira.

« Les architectes produisent généralement des esquisses et des maquettes à l’échelle, et depuis une vingtaine d’années, ils utilisent aussi la modélisation 3D », rappelle Jeff Mottle, PDG de CGarchitect Digital Media Corp et éditeur de CGarchitect, qui est à la fois un magazine en ligne et un forum ouvert aux professionnels de la visualisation architecturale. La réalité virtuelle renforce la méthode traditionnelle parce que les deux se complètent, d’une manière beaucoup plus probante que les fabricants ne le pensent ». Ils continuent de la voir comme un accessoire du jeu vidéo plutôt que comme un outil d’entreprise, mais d’après Jeff Mottle, qui animait une table ronde sur ces nouvelles technologies lors du salon Autodesk University 2016 à Las Vegas, les choses sont en train de changer.
Vu l’accélération foudroyante du progrès technologique et de l’accroissement des possibles, voici quatre points à méditer pour les entreprises qui souhaitent entrer dans ce meilleur des mondes virtuels.
1. La réalité virtuelle est un domaine qui évolue rapidement. Elle existe sous des formes diverses depuis des décennies (les premiers casques datent de 1968), mais jusqu’à présent, la technologie n’était ni suffisamment souple ni suffisamment avancée pour que son utilisation se généralise. Depuis deux ans toutefois, elle connaît un boom, dû notamment aux progrès de la technologie mobile, qui a placé l’imagerie de haute résolution à la portée de tous.
Les modèles courants de casques, comme le Rift d’Oculus, le Gear VR de Samsung, le Vive d’HTC, le HoloLens de Microsoft ou le Cardboard de Google, ont rendu la réalité virtuelle plus abordable (même s’il faut encore compter plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros). Le rachat d’Oculus par Facebook en 2014, pour 2 milliards de dollars, a également permis de médiatiser ce secteur d’activité.
Pour Jeff Mottle, « la rapidité d’évolution constitue l’un des obstacles. Nous n’avons pas tous le temps ni les ressources nécessaires pour comparer tous les modèles, c’est pourquoi nous essayons de débattre des avantages et des inconvénients. »
Selon une enquête de CGarchitect, c’est en Europe qu’on se sert le plus de la réalité virtuelle pour la visualisation architecturale (40 % des personnes interrogées), ainsi qu’aux États-Unis (21 %). Certains participants estiment que la technologie va révolutionner le secteur. Près de 70 % d’entre eux font appel à des appareils de réalité virtuelle, augmentée ou mélangée, ou prévoient de le faire à partir de 2017, et 77 % disent tester cette technologie ou prévoient de le faire.

2. Les qualificatifs « virtuelle », « augmentée » et « mélangée » renvoient à des technologies similaires, mais dont le potentiel est différent. La réalité virtuelle est un environnement immersif généré au moyen du casque intégral que la plupart des gens associent à cette technologie. « Vous vous immergez dans un environnement virtuel et vous vous coupez complétement du monde extérieur, explique Jeff Mottle. Suivant le type d’appareil, on peut par exemple générer un environnement virtuel à l’échelle d’une pièce et s’y déplacer. » (Et grâce aux lignes de la trame, on ne risque pas de se cogner dans un mur réel).
Avec la réalité augmentée, des données et des informations didactiques apparaissent en même temps qu’on observe un environnement réel, souvent au moyen de petits appareils tels que les téléphones portables ou les tablettes. Pokémon Go est un exemple d’application en réalité augmentée qui a trouvé son public. Dans le cadre professionnel, la réalité augmentée permettrait par exemple à un ingénieur d’expliquer à un mécanicien comment réparer une pièce sans être présent sur place.
La dernière des trois, la réalité mélangée, permet d’associer les avantages des deux autres, en superposant des objets virtuels au monde réel. Ainsi, deux personnes (par exemple, un architecte et un ingénieur structure établi dans un autre pays) peuvent se connecter à un même environnement et interagir avec un bâtiment virtuel sur un site réel.
3. Les architectes peuvent utiliser la réalité virtuelle pour différentes phases du projet. L’un de ses avantages réside en effet dans son niveau de détail : lors d’une phase d’esquisse, on peut s’immerger dans un espace qui n’est pas encore photoréaliste, mais qui permet déjà de prendre conscience des relations spatiales et de la volumétrie. À l’inverse, l’immersion virtuelle peut être hyperréaliste : une vidéo peut nous montrer un doux rayon de soleil tombant d’une claire-voie, avec le gazouillis des oiseaux à l’extérieur (idéal pour les présentations au client).
De plus en plus, les architectes associent l’usage d’appareils de réalité virtuelle du type Vive ou Oculus à la modélisation numérique (BIM). « Cette combinaison permettra aux architectes et aux clients de bien saisir les qualités spatiales de leur projet », précise Kim Baumann Larsen, architecte et conseillère en réalité virtuelle pour The Future Group. « Grâce à cette compréhension de l’espace, les clients devraient avoir une plus grande confiance dans la forme de leur projet, et le temps que l’on consacre aux réunions et aux révisions dues à la coordination des différences études de projet devrait se réduire »
Les systèmes mobiles qui combinent un casque en carton avec un smartphone sont une autre solution qui fait de plus en plus d’émules. Kim Baumann Larsen explique ainsi que « l’architecte peut générer des vues stéréo panoramiques à 360° directement à partir d’un logiciel de modélisation numérique comme [Autodesk] Revit ou en utilisant un outil de visualisation du type 3ds Max + V-Ray et publier ses images sur la toile en utilisant les plates-formes d’autres fournisseurs telles que VRto.me ou IrisVR Scope ».

4. La réalité virtuelle accuse un certain retard par rapport à l’architecture. Elle exige une bonne dose d’expertise et les architectes n’ont pas vraiment le temps de tester cette technologie. Jeff Mottle note que « dans l’ensemble, elle s’appuie sur des appareils de jeu vidéo pour générer l’illusion immersive. Cette dynamique implique un flux de travail et un paradigme totalement différents de ceux de l’architecture. »
Il espère que les fabricants vont réaliser le potentiel que représentent les programmes de réalité virtuelle qui s’adressent spécifiquement à l’architecture. Certaines agences ont déjà commencé à convertir leurs données BIM en données VR, au moyen de plates-formes telles qu’Autodesk LIVE ou Stingray, qui conserve des données de construction importantes que des programmes de jeu ignoreraient. Pour l’instant, cependant, les programmes de jeu ont tendance à se concentrer sur la création d’une immersion virtuelle idéale pour un utilisateur final plutôt que sur l’usage itératif qu’exigeraient les projets de construction et leurs chantiers.
Plus les architectes s’impliqueront dans la réalité virtuelle, plus ils pourront influencer le marché futur. « J’aimerais vraiment que ces entreprises se rendent compte qu’il y a un autre marché que celui du jeu et de la consommation, lance Jeff Mottle, je voudrais qu’elles prennent conscience de l’occasion énorme que représente le monde de la conception et des synergies potentielles. »
Mais pour Kim Baumann Larsen, les architectes ne devraient pas se contenter d’attendre : « Procurez-vous un système fonctionnant sur PC comme le Vive d’HTC ou le Rift d’Oculus et explorez vos projets à partir de programmes de modélisation numérique, testez la réalité virtuelle sur des appareils portables en utilisant du carton et Gear VR ou Google pour présenter vos projets à vos clients et à vos collaborateurs. Le plus important, c’est d’expérimenter. »