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Quand STX adapte le BIM à la construction navale

construction navale

De forme en forme, le chantier avance. Dans le centre-ville de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique (France), la construction d’un nouveau paquebot obstruera bientôt l’horizon portuaire.

Pour l’instant, les lieux fourmillent d’une population de sous-traitants en provenance d’une dizaine de pays. Tous viennent participer à l’aventure de cette nouvelle ville flottante. Longue de 362 mètres, d’une largeur avoisinant les 70 mètres en partie haute, elle sera dotée de 2732 cabines passagers auxquelles s’ajouteront 1797 cabines d’équipage, ainsi que des dizaines d’espaces de restaurations, des salles de jeux, des boutiques et des piscines. Une fois mis à flot, ces gigantesques navires deviennent des ruches, mais à l’heure de la construction, ce sont des fourmilières.

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Les chantiers de Saint-Nazaire. Avec l’aimable autorisation de STX.

« Au pic de chantier, ce sont environ 10 000 personnes qui s’affairent autour et à l’intérieur du futur paquebot », s’émerveille Frédéric Savarin, architecte DPLG et ingénieur pour les chantiers navals STX. En rythme, chacun à sa place participe à l’assemblage de quelque 10 millions de pièces. « Modéliser chacune d’elles est un enjeu crucial dans le domaine de la construction navale, explique l’architecte. L’objet numérisé a toujours été au cœur de nos préoccupations. Dans le courant des années 1990, alors que le BIM n’existait pas, nous modélisions déjà les différents éléments composant le paquebot ».

Modéliser la structure en acier et toutes les couches qui l’enveloppent s’est vite révélé un enjeu primordial du secteur puisque dès l’apparition du numérique, on a commencé à automatiser la découpe des pièces dans des ateliers robotisés. Ce travail était alors réalisé sous différents logiciels métiers consacrés tantôt à la structure, tantôt aux études du plan général, c’est à dire l’ensemble des équipements mécaniques, hydrologiques, électriques ou de cabine, qui constituent le navire. « Bien sûr, il y a 20 ans, nous étions en 2D et nous n’imaginions pas possible encore de regrouper l’ensemble de ces éléments dans une seule maquette, qui plus est en 3D ! », précise Frédéric Savarin.

Très tôt pourtant, les chantiers STX se sont lancés dans la quête d’une conception assistée par ordinateur (CAO) unique. « Dans une perspective de rationalisation des coûts, c’était même devenu une obsession de notre direction des services d’information », sourit cet ancien architecte du bâtiment qui a embrassé l’univers naval. Pour sa part, la collaboration avec Autodesk s’est engagée il y a environ dix ans. « À ce moment-là, certains de nos sous-traitants utilisaient des informations numériques en DWG – le format AutoCAD. Nous avions également quelques licences Revit. D’autres au sein de l’entreprise utilisaient 3ds Max pour réaliser des rendus des projets, ou encore Navisworks pour lire et contrôler des fichiers de grande dimension. »

Petit à petit, alors qu’ils étaient utilisés avec d’autres outils, les produits Autodesk ont pris davantage d’importance. Les chantiers navals STX se sont donc tournés vers la société Atlancad, intégratrice de programmes Autodesk de CAO, installée dans la région nantaise. « Notre démarche les a surpris, car elle est totalement inédite en France. Cependant, nous leur avons présenté les travaux d’un architecte américain ayant travaillé, sous Revit, avec la compagnie Royal Caribbean Cruise Line, une des sociétés leaders du marché de la croisière. Dès lors, nous avons pu imaginer une extension de l’usage de Revit à nos propres chantiers », poursuit Frédéric Savarin.

En 2015, un audit est mené au sein des chantiers STX afin d’étudier l’adaptation de Revit aux méthodes de l’entreprise. Le but : en faire l’un des piliers de la maquette CAO centrale permettant aux chantiers de définir rapidement et précisément le poids, le prix, et la liste d’équipements nécessaires à la confection de chaque bateau.

Finalisation de la construction d’un paquebot. Avec l’aimable autorisation de STX.
 
Finalisation de la construction d’un paquebot. Avec l’aimable autorisation de STX.

Aujourd’hui, des tests sont menés sur la conception de plusieurs navires. « Ils ont notamment permis d’évaluer l’impact de la maquette numérique sur les métiers », dévoile Frédéric Savarin. Structure, circulation d’air, plan général (cabines, restaurants…), équipements du bateau (portes, fenêtres, éléments de pont, poulies, canaux de survie, ancre…) sont ainsi modélisés. Mieux, courant 2017, la synthèse d’un navire sera effectuée pour l’armateur MSC. En parallèle, STX initie une collaboration entre les différents corps de métiers de sorte qu’une centaine de milliers de pièces sont intégrées à une même maquette… « On touche au but d’une quête longue de 20 ans », souffle l’architecte.

L’odyssée ne touche pas pour autant à sa fin. Le système demeure aujourd’hui en cours d’intégration. « Les choses sont difficiles à chiffrer précisément, mais notre action s’inscrit dans le cadre d’un plan de réduction des coûts allant de 10 à 15 % », évalue-t-on chez STX. Et Frédéric Savarin de préciser que les premiers gains sont avant tout qualitatifs. Ils concernent l’amélioration des méthodes et la réalisation de nomenclatures plus précises.

Ce sont également des gains de temps, car les équipes n’ont pas à redessiner plusieurs fois les mêmes objets. En fait, les équipes seront gagnantes quand la maquette sera en phase de conception détaillée. « C’est quand nous ferons vivre la maquette numérique aux différentes étapes du chantier que nous pourrons pleinement en estimer les bienfaits. » En outre, l’interopérabilité de Revit avec certains logiciels métiers permet d’intégrer les éléments numérisés dans une base de données préexistante et riche de dizaines de milliers de pièces.

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Les équipes à l’œuvre pour construire le paquebot. Avec l’aimable autorisation de STX.

La souplesse engendrée par le BIM promet également aux chantiers navals STX d’absorber avec davantage de sérénité les demandes de dernière minute émanant des armateurs puisque, dans ce secteur, les clients peuvent demander des modifications jusqu’à six mois avant la livraison du bateau.

Dans une phase plus avale, la modélisation promet aussi de réaliser des vérifications en mode immersif augmenté. « On espère fortement, dans un avenir proche, vérifier le montage des équipements à bord du navire en les comparant avec la maquette numérique. » À titre d’exemple, le positionnement du moindre sprinkler, ces dispositifs d’arrosage anti-incendie placés dans les plafonds, pourra être vérifié et au besoin rectifié plus rapidement.

STX en est convaincu : l’adoption du BIM sur les chantiers transformera certaines procédures de conception navale ayant cours jusqu’ici. On pense à l’usine du futur, mais aussi au bureau d’études du futur. « Cette ambition passe par un déploiement obligatoire d’outils que nous utilisons auprès de nos sous-traitants. Le but, dans cette industrie où de nombreuses entreprises étrangères interviennent, c’est que nous parlions le même langage. » Véritables villes mondes, les chantiers navals auront bientôt abandonné l’esperanto pour les données alpha numériques de la maquette, base d’un nouvel alphabet.

À propos de l'auteur

Rédacteur de presse nationale et spécialisée passé par la radio, Maxime Thomas est, au gré de ses reportages, amené à traiter divers aspects de la vie industrielle. Parmi ses sujets de prédilections : la transformation numérique et ses conséquences concrètes sur les métiers.

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