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L’homme et les machines : l’intelligence augmentée à très grande vitesse

En 1962, un an après l’introduction du premier robot sur une chaîne d’assemblage de General Motors, débutait le dessin animé Les Jetsons. La série prédisait un avenir où les gens pourraient avoir tout ce qu’ils voulaient (un dîner gourmand, une maison impeccable, une voiture volante qui se replie dans une valise) en appuyant simplement sur un bouton.

C’était de la fiction pour l’époque, et pour une large part, ça le reste aujourd’hui : les progrès sont parfois lents à arriver. L’âge des chasseurs-cueilleurs a duré deux millions d’années, celui de l’agriculture a duré plusieurs milliers d’années, et l’âge industriel a duré deux siècles.

Est venu ensuite l’âge de l’information qui a considérablement accéléré la vitesse à laquelle nous évoluons, tout du moins sur le plan technologique. L’humanité se trouve maintenant à l’aube de la prochaine grande ère : l’âge de l’intelligence augmentée. Nos capacités naturelles seront augmentées, des systèmes de calculs nous aideront à réfléchir, des systèmes robotiques nous aideront à fabriquer et n système nerveux numérique nous connectera au monde.

Homme + ordinateur = conception collaborative

Cette augmentation est possible grâce à la conception générative, un système informatique qui permet aux ingénieurs et aux ordinateurs de créer ensemble des choses qu’ils ne pourraient pas réaliser séparément. Les ingénieurs commencent par déterminer les exigences en entrant les objectifs et les contraintes. Ils utilisent ensuite des algorithmes d’apprentissage automatique et la puissance du cloud computing pour explorer des dizaines de milliers d’options, et produire des solutions qu’aucun humain, seul, n’aurait été capable de concevoir.

Une application de ce principe consiste à réimaginer la façon dont les villes devraient être conçues dans un monde nouveau. Les dynamiques sociales, économiques et géologiques doivent être prises en compte. Les grandes villes sont des systèmes extrêmement complexes, hors de la portée du seul entendement humain. Mais en devenant les partenaires de systèmes informatiques sophistiqués, les équipes d’humains et d’ordinateurs peuvent commencer à comprendre et à résoudre ces défis.

Les ingénieurs pourront construire des ponts, des routes et des bâtiments qui sont plus longs ou plus hauts que jamais, qui peuvent supporter une météorologie et une activité géologique de plus en plus violente, tout en respectant des normes de sécurité plus exigeantes que jamais. Ils pourront également comprendre comment ces projets s’intègrent au contexte plus large : comment ils affectent l’infrastructure et les bâtiments qui les entourent ; quels sont les autres solutions possibles et leurs avantages.

intelligence augmentation robots in lobby with people

Vient ensuite l’innovation des produits. Prenons par exemple Hack Rod, la première voiture conçue par l’IA : une voiture de course dotée d’un système nerveux fait de capteurs, et poussée jusqu’à ses limites. Les données collectées ont ensuite été renvoyées dans un système de conception générative nommé Dreamcatcher, qui a créé un châssis dont les caractéristiques structurelles sont optimisées, et qui s’adapte aux conditions routières et au style du pilote.

L’un des meilleurs aspects de l’IA est le suivant : une fois qu’une machine intègre un domaine d’expertise, toutes les autres peuvent l’intégrer ; elles partagent l’apprentissage en réseau, ou les connaissances omniprésentes instantanées.

L’homme, de son côté, est bien moins efficace. Au fil du temps, les grands esprits ont exploité les connaissances existantes, comme Isaac Newton l’a fait remarquer « en étant porté par des épaules de géants ». Avec l’IA, c’est comme si les humains montaient sur les épaules de machines géantes – dont la taille ne cesse de croître.

Cela ne veut pas dire que les robots et les machines vont rendre les ingénieurs obsolètes. Au contraire. Les problèmes à résoudre ne manquent pas, et deviennent de plus en plus grands et de plus en plus complexes, si bien que les humains ont besoin d’être de plus en plus « augmentés » pour pouvoir les résoudre.

intelligence augmentation robot and human work together

Homme + robot industriel = cobotique

Pendant plus de 50 ans, les robots n’ont pas vraiment brillé par leur intelligence. La plupart n’avaient ni connaissance ni conscience du monde qui les entourait ; ils se contentaient d’effectuer les tâches répétitives pour lesquelles on les avait programmés. Et cependant, on prévoit que la population robotique va atteindre plus de deux millions d’ici 2017, et sachant que selon ces prédictions, les robots prendront le travail des humains, la nouvelle semble inquiétante.

Mais à l’ère de l’intelligence augmentée, les humains et les machines vont collaborer pour obtenir un meilleur résultat que la somme des deux individuellement. Les humains et les robots sont dotés de compétences différentes et cependant complémentaires. Un grand nombre de laboratoires de recherche et de fabricants sont en train de travailler sur la façon de sécuriser l’interaction directe des humains et des robots industriels. Certains industriels comme Mercedes-Benz et Toyota, ont même réintroduit des hommes dans leur chaîne d’assemblage pour optimiser le partenariat entre humains et robots.

Autre expérience : un projet de recherche mené par le Centre national de la compétence dans la recherche (NCCR) en fabrication numérique à Zurich en Suisse, qui a créé un robot constructeur capable de construire seul des murs en brique, en évitant ses collaborateurs humains. À l’aide d’un scanner laser, il crée un nuage de points de l’entourage entre ses mouvements, et a donc « conscience » de son environnement.

On citera aussi l’exemple de Hive Pavilion, dont la réalisation, à l’aide de la conception générative, de la technologie portable et des objets connectés, a permis à un tandem d’ouvriers et de robots de collaborer pour construire une structure de 3,60 m. Elle a été réalisée en trois jours par quatre robots à six axes, un cerveau informatique dirigeant les opérations et une poignée de participants humains (suivis par géolocalisation iBeacon et portant une montre iWatch leur donnant des instructions en temps réel).

Mais les capteurs sont utiles au-delà des stades de la construction ou de la fabrication de projet : grâce à la boucle de convergence conception-fabrication-utilisation, ils peuvent renseigner les ingénieurs sur la façon dont les consommateurs utilisent les produits, les bâtiments ou les infrastructures qu’ils ont conçus. Grâce à la visibilité qu’ils ont des choses qu’ils réalisent, les concepteurs et les ingénieurs sauront exactement quoi faire lors de leur prochaine création ou mise à jour.

Les critiques d’utilisateurs (tels que sur Amazon) constituaient les prémices de ce système nerveux : des commentaires gratuits, de grande qualité peuvent influencer le développement des produits. Avant cela, les ingénieurs devaient soit faire des hypothèses bien fondées, soit payer des tests d’utilisation.

intelligence augmentation robots and humans have meeting

La prochaine étape sera faite de produits connectés qui feront eux-mêmes leur critique par l’intermédiaire de données du genre : « Je n’ai été utilisé qu’une seule fois avant d’être cassé », ou bien « j’ai été utilisé pendant 354 jours d’affilée et j’ai connu une panne mineure ».

Le futur du futur

Dans un avenir lointain, l’augmentation accélérera l’élan de l’évolution. Au lieu d’être fabriqués ou construits, les produits et structures seront cultivés ou élevés, et les humains réduiront les méthodes d’extraction en faveur de l’agrégation (par exemple, du charbon au solaire).

L’exemple de la fabrication additive montre comment ce processus imite la biologie. Mecedes-Benz a appliqué des principes biochimiques  à sa voiture biodégradable Biome cultivée à partir de six semences génétiquement modifiées utilisant un ADN basé sur l’os. Cela peut sembler digne de la science-fiction aujourd’hui, mais un jour, les voitures (et peut-être même les bâtiments) pourraient être cultivées en pépinière, et non plus sur une chaîne d’assemblage.

Entre-temps, l’élan de l’intelligence augmentée va prendre de la vitesse, exploiter les milliers d’années de connaissance humaine et augmenter les capacités humaines à un rythme exponentiel.

L’humanité ne pourra peut-être pas avoir tout ce que les Jetsons promettaient, mais grâce à l’augmentation des esprits, des corps et des cinq sens, le futur pourrait nous dévoiler encore bien des surprises hors de portée aujourd’hui.

À propos de l'auteur

Maurice Conti est un designer, futuriste et innovateur. Il a travaillé avec des startups, des agences gouvernementales, des artistes de renom et des entreprises pour explorer les choses qui comptent pour eux à l'avenir et concevoir les solutions pour les y amener.

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