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La construction préfabriquée peut-elle pallier le manque d’infrastructure en Inde ? Selon KEF Infra, c’est possible !

infrastructure in India KEF Infra Philip Johnson House

Au sein de l’usine de préfabrication KEF Infra One, située aux abords de la ville de Krishnagiri dans le sud-est de l’Inde, maisons, cafétérias et hôpitaux sortent tout droit de la chaîne de montage. Vous êtes-vous déjà imaginé pouvoir construire une maison avec la même simplicité qu’aller à Monoprix pour faire à la fois vos courses et acheter plats et ustensiles de cuisine en vue de préparer un dîner en famille ?

En Inde, les exigences en matière d’infrastructure sont énormes. Compte tenu de la décentralisation du pays et de la dépendance du BTP à l’égard du travail manuel, l’intégration de la construction modulaire a toujours été un rêve lointain, présent dans tous les secteurs. KEF Infra affirme être la seule usine de préfabrication au monde à intégrer conception, ingénierie et fabrication pour l’assemblage de modules de construction prêts à l’emploi qui apportent bien plus que quatre murs et un toit.

« Lorsque vous vous rendez chez un concessionnaire Mercedes, vous ne dites pas
ʻʻdonnez-moi simplement un mode d’emploi, je me chargerai de l’assemblage’’, lance Faizal Kottikollon, président de KEF Infra. Vous vous y rendez pour commander une voiture neuve, et le tour est joué. Notre secteur étant celui de la construction, nous essayons donc de procéder de manière identique avec les bâtiments. »

L’objectif de KEF Infra est de réduire de moitié le temps de construction des chantiers traditionnels. Il faut savoir que l’Inde est un des seuls endroits où l’on recense un besoin si urgent en infrastructures rapidement développées. En effet, le cabinet de conseil McKinsey & Company estime que d’ici à 2030, la population urbaine du pays augmentera de façon démesurée d’environ 200 millions de personnes, ce qui nécessitera un investissement en capital de 1,2 trillions de dollars. Cela engendrera, chaque année la construction d’espaces commerciaux et résidentiels de plus de 740 à 930 milliards de mètres carrés, soit plus de la moitié de l’Île-de-France.

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En 2017, KEF Infra a construit plus de 400 cantines (cafétérias semi-permanentes) qui proposent des repas bon marché aux ouvriers indiens. Avec l’aimable autorisation de KEF Infra.

« Afin que chaque Indien ait une maison, nous envisageons de construire au minimum 20 millions de logements au cours des cinq prochaines années, sans compter les trois millions de lits d’hôpital qui accompagneront ce projet. Et comment allons-nous y parvenir ? demande Faizal Kottikolon. Ce qui est sûr c’est que ce ne sera pas en adoptant le modèle actuel. »

Les locaux de production de Krishnagiri comprennent quatre sections : une dédiée au béton préfabriqué ; une aux salles d’eau préfabriquées et prêtes à poser ainsi qu’aux chambres volumétriques modulaires ; une aux systèmes modulaires BET (mécanique, électricité et plomberie) ; et enfin, une section dédiée à la menuiserie pour la fabrication de meubles, de revêtements, ainsi que la fabrication de vitrages en aluminium pour les façades et les portes. De plus, KEF Infra se sert de la technologie de fabrication hors site pour le coulage et le moulage du béton en éléments et en sections entières de bâtiment, tous deux prêts pour l’assemblage. Pour la maquette numérique (BIM), essentielle à son modèle d’entreprise, KEF Infra utilise le logiciel Revit d’Autodesk.

En 2017, Faizal Kottikollon a réalisé son projet de plus grande envergure : la livraison de plus de 400 cantines (cafétérias semi-permanentes), à Bangalore. Grâce à un réseau de cuisines centralisées et rattachées, ces cantines nourrissent environ 200 000 personnes par jour, notamment en proposant des repas bon marché (le déjeuner et le dîner coûtent environ
20 centimes) aux ouvriers et aux plus démunis. KEF Infra est aussi en train d’installer d’autres cantines dans l’État du Karnataka, dans le sud-ouest de l’Inde.

L’entreprise de préfabrication construit ses cantines à la vitesse fulgurante de quatre cantines par jour. Sur le mur de chacune d’entre elles, on retrouve l’image de l’ancien Premier ministre Indira Gandhi, imprimée à l’aide de béton graphique. La conception et l’installation du projet n’ont d’ailleurs pas pris plus de temps : alors qu’il n’a contacté KEF Infra que le 1er mai, le gouvernement du Kerala a promis d’installer les cantines pour la mi-août.

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Au sein de l’usine de préfabrication de KEF Infra à Krishnagiri, en Inde, on fabrique les bâtiments et les pièces de construction sur des chaînes de montage. Avec l’aimable autorisation de KEF Infra.

Il faut savoir que Faizal Kottikollon avait auparavant fondé et vendu une société qui fabriquait des vannes industrielles pour le pétrole et le gaz aux Émirats Arabes Unis. La clé de son succès réside dans l’utilisation des technologies. Ce faisant, l’entrepreneur a été en mesure d’honorer les délais de production plus rapidement en réduisant le temps et le coût des matériaux, et ainsi, de fabriquer des vannes en un quart de temps de moins que ses concurrents. Depuis, il a conservé son état d’esprit d’ingénieur. Même si, au sein de KEF Infra, on considère les bâtiments comme des marchandises, il a néanmoins déclaré que sa nouvelle activité représentait une entreprise technologique avant tout.

Cependant, qu’il s’agisse de la construction d’infrastructures ou de nouvelles technologies de fabrication, ce qui motive l’entreprise, est, selon lui, un mandat social visant à réduire le niveau écrasant des inégalités en Inde. L’homme à la tête de KEF Infra a commencé ses premières incursions en tant qu’« entrepreneur social » dans le monde du BTP avec comme projet pilote la modernisation d’une école publique dans son État natal du Kerala, dans le sud de l’Inde. « La situation des écoles publiques est absolument désastreuse parce qu’il n’y a pas assez de toilettes », dit-il. « Les écoles manquent également de salles de classe. Sans compter qu’elles comportent des risques sanitaires alimentaires, et sont toutes dans un état de délabrement. »

La phase numéro un de la première rénovation a de ce fait été achevée en 95 jours, pendant les vacances d’été. En affinant ses techniques de construction préfabriquée et modulaire, KEF Infra a été en mesure de concevoir, de fabriquer et d’assembler de nouvelles écoles et d’autres infrastructures en quelques semaines seulement.

« Cet État produit 1 000 écoles publiques basées sur ce modèle unique », explique Faizal Kottikollon. « C’est cela qui nous a fait prendre conscience que la vitesse à laquelle on pouvait concevoir, construire, et bien évidemment livrer l’infrastructure, serait le prochain chapitre de ma vie ainsi que de celle de KEF. C’est ainsi que l’idée de la préfabrication s’est concrétisée. Puis, nous nous sommes chargés des hôpitaux, des hôtels et des logements. »

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On assemble les logements préfabriqués abordables de KEF Infra en moins de trois heures. Avec l’aimable autorisation de KEF Infra.

L’année dernière, KEF lnfra a réalisé la construction d’un hôpital de 500 lits en dix-huit mois à Calicut, en économisant près d’un quart du coût par lit par rapport aux hôpitaux traditionnels occidentaux. L’entrepreneur a par ailleurs des projets encore plus importants en vue. D’après Infosys, le géant indien de l’informatique, KEF Infra réalise le projet de construction de la plus grande tour-horloge indépendante du monde dans la ville de Mysore. Haute de 135 m, la tour dépassera largement l’ancienne détentrice du record (la tour-horloge anglaise « Old Joe » de l’Université de Birmingham) de plus de 30 m et sera entièrement construite hors site.

En outre, KEF Infra investit massivement dans la construction d’immeubles d’habitation et de maisons préfabriqués. L’entreprise affirme par ailleurs être en mesure de fournir des logements abordables plus durables et de meilleure qualité que le secteur public, sans compter qu’elle teste déjà une gamme de modèles (dont certains que l’on peut assembler en trois heures) à des prix variés.

Un de ces modèles-là est le « E Home Project », comme surnommé par son président. Il représente probablement le projet le plus prometteur : il s’agit de maisons que l’on peut concevoir et commander en ligne, comme on le ferait pour un bouquet de fleurs. Et d’ajouter : « Le client pourra choisir parmi une cinquantaine de modèles comprenant des maisons à un ou deux étages, et à deux, trois ou quatre chambres à coucher. Notre gamme de produits comprend également toutes les technologies nécessaires qui font d’elles des maisons connectées, mais l’idée est vraiment de donner au client le pouvoir d’acheter une maison, tandis que notre rôle consiste à faciliter grandement tout le processus de conception, de construction et de livraison. »

Malgré le besoin urgent d’une infrastructure rapidement mise sur pied, l’Inde n’est pourtant pas a priori adaptée à la construction modulaire de pointe. En effet, le pays fait encore appel à une main d’œuvre bon marché, et sa réputation en matière de technologie de fabrication reste relativement inconnue. Néanmoins, si l’entreprise de préfabrication est en mesure d’y instaurer la préfabrication de manière rentable, le reste du monde entendra sans doute bientôt parler de KEF Infra.

À propos de l'auteur

Journaliste spécialisé en architecture, Zach Mortice est basé à Chicago. Suivez @zachmortice sur Twitter et Instagram.

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