Grâce à son œil d’architecte Ai Sato crée des bijoux inspirés des merveilles de la nature
Les bijoux d’AISATO Design sont faits de courbes 3D captivantes et élégantes. La créatrice Ai Sato s’appuie sur la conception par ordinateur et sur les contours du monde naturel pour donner à ses créations de bijoux une perspective unique, celle d’une architecte.
Ai Sato a fait ses études d’architecture au Southern California Institute of Architecture, où son langage créatif très libre s’est vite démarqué des conceptions plus orthodoxes de ses pairs. C’est là qu’elle a commencé à étudier les textures et les schémas de comportement des choses vivantes et la manière de les incorporer à des bâtiments et aux paysages ruraux et urbains dans un souci de « créer une architecture selon une perspective libérée des clichés » affirme-t-elle.
Ces explorations ont poussé la jeune diplômée à rejoindre Zaha Hadid Architects à Londres, où elle a découvert la rigueur des géométries complexes qui étaient conçues. « Ils prennent en charge des projets qui ont le potentiel de changer le monde de l’architecture. Ils font confiance à de jeunes diplômés en fonction de leur sujet de recherches, même s’ils ne savent pas forcément où ces nouveaux concepts et techniques vont les mener. De jeunes gens comme moi font équipe avec des vétérans qui ont déjà plusieurs projets à leur actif. Dans notre travail ensemble, nous avons créé des projets architecturaux qui stimulent et remettent en question nos environnements de vie. »
Ai Sato avait toujours admiré le travail de Zaha Hadid elle-même, et durant son travail pour l’agence elle a pu approfondir ses compétences. Elle a émis des propositions pour des concours d’architecture, peaufiné des ébauches de projets et créé des maquettes numériques de projets à l’aide de logiciels tels que Maya d’Autodesk. Et pourtant, même si ses aptitudes ne cessaient de croître, les projets auxquels elle avait participé n’aboutissaient pas, notamment en raison de la crise financière de 2008.
Elle raconte : « La construction d’un immeuble de bureaux prévue à Abu Dhabi a été annulée. Après avoir travaillé chez Zaha Hadid Architects pendant plus de trois ans, et alors que je m’apprêtais à souffler mes trente bougies, je me souviens avoir eu une bouffée d’angoisse à l’idée qu’aucun des projets sur lesquels j’avais travaillé n’avait encore abouti. Il fallait absolument que je réalise quelque chose de concret avant d’atteindre 30 ans et c’est comme cela que j’ai commencé à concevoir des bijoux. »
La première bague qu’Ai Sato a créée, la bague Helix, a été mise au point à partir de centaines de prototypes produits après ses heures de travail à l’agence Zaha Hadid Architects. L’influence de ce travail est visible dans ses dessins pour le projet de siège de la banque BBK à Bilbao en Espagne. Puis son activité de créatrice de bijoux a pris plus d’ampleur et Ai Sato a commencé à présenter son travail dans des salons à Londres et Paris tout en continuant son travail d’architecte.
En novembre 2012, année où le travail de Zaha Hadid Architects sur le nouveau stade national du Japon a remporté un concours international, Ai Sato est retournée dans son pays natal pour travailler aux côtés de l’équipe locale du projet. Elle devait travailler au bureau de Tokyo de la société pendant plusieurs années, mais le gouvernement a retiré son soutien du projet. Ai Sato en a alors eu assez des déceptions architecturales : elle a décidé de quitter la société et de faire cavalier seul.
C’est ainsi qu’est né AISATO Design, qui distille dans la création de bijoux les méthodes et théories d’architecture (sans parler des outils) en s’appuyant sur sa recherche et ses expériences. Elle ajoute : « L’unique expérience professionnelle que j’avais c’était en tant qu’architecte, du coup j’apprends plein de choses. L’ensemble logiciel Maya est vraiment polyvalent. Je m’en suis servie pour la conception architecturale et maintenant je l’utilise pour les bijoux et d’autres produits. C’est un outil qui stimule vraiment mon imagination. »
Certaines des créations de bijoux sont inspirées des diagrammes de Voronoï, où les plans sont divisés en formes en fonction des distances entre un ensemble de points sur ce plan. Les formes organiques créées par ces processus sont courantes tout en étant distinctes. Elle incorpore les lois des diagrammes de Voronoï en un script qui génère des motifs ressemblant à ceux que l’on trouve sur le dos d’une girafe ou sur les ailes d’une libellule. Elle parvient ensuite à manipuler ces variations pour créer un résultat époustouflant.
Ai Sato poursuit : « Par exemple, je peux animer un objet pour lui faire changer de forme en spécifiant des points de départ et d’arrivée, prendre des photos des formes intermédiaires créées par l’animation, puis extraire les éléments structurels à partir de ces formes. Je prends ensuite ces éléments et je les affine pour créer un bijou. C’est comme ça que j’ai créé mes boucles d’oreille Malina. »
Tout comme ses projets architecturaux étaient imprégnés de nature, ses créations de bijoux le sont aussi. Et d’expliquer : « La plupart des motifs du monde naturel peuvent être exprimés au moyen de formules mathématiques, et je pense que mes créations reflètent de près ce qu’on trouve dans la nature. Lorsqu’on travaille sur une forme avec ses propres mains et idées, nos habitudes et manies affectent le résultat final. Par contre, avec la conception par ordinateur, je parviens à créer un produit plus naturel. »
Ai Sato est fascinée par le fait qu’elle peut utiliser les ordinateurs pour créer quelque chose qu’il serait impossible de créer à la main, et elle utilise une imprimante 3D pour produire les bijoux et accessoires sophistiqués qu’elle conçoit. Un modèle de base fabriqué en résine à base de cire généré au moyen de la stéréolithographie peut être coulé en métal. Elle peut aussi imprimer des articles en résine de nylon prêts à porter. Les formes complexes et la légèreté surprenante des produits imprimés en 3D ajoutent à leur attrait.
Elle ajoute, en guise de conclusion : « Lorsque j’utilise des outils de conception par ordinateur, je pense que les objets qui en résultent sont bien plus intéressants que ce que j’aurais pu inventer moi-même. Mais étant donné que c’est moi qui contrôle le procédé et l’extraction des formes, ce n’est pas juste le travail de l’ordinateur. Ma personnalité et mon individualité sont également reflétées dans mes créations. »