La culture hors-sol : 3 utilisations innovantes de l’agriculture technologique
Si je vous dis « méthodes agricoles non traditionnelles » ou « agriculture technologique », vous pensez sans doute à des semis sous serres activées par Bluetooth? Ou à des piles de containers renfermant des rangs de salades, de fines herbes et de légumes à perte de vue.
L’agriculture d’aujourd’hui est bien différente de celle d’il y a une ou deux générations. Dans bien des cas toutefois, des conglomérats agricoles ont acheté des exploitations indépendantes pour créer des fermes industrielles dont le seul mérite est la production de masse. Certes, ces exploitations gigantesques permettent de nourrir notre monstrueuse chaîne agro-alimentaire moderne, mais vu la cadence de production actuelle, elles seront incapables de faire face à la croissance démographique future. En outre, elles sont loin de plaire aux consommateurs qui se soucient des conséquences écologiques de leurs choix alimentaires.

L’engouement pour le « cultiver soi-même » répond en grande partie aux préoccupations et exigences des consommateurs. Finalement, la meilleure façon de se rassurer sur le contenu de son assiette est de le produire soi-même. Or, les méthodes agricoles traditionnelles sont peu compatibles avec un mode de vie urbain et moderne. Cette insuffisance a inspiré des ingénieurs et leurs startups, aidés d’outils de CAO accessibles tels que Fusion 360 d’Autodesk, à créer des modèles agricoles plus intelligents et plus efficients. Voici trois exemples de nouvelles voies qui se servent de l’agriculture technologique pour changer la manière dont le monde produit son alimentation.
Le plantCube d’agrilution
La majorité des aliments vendus en supermarchés sont de pâles versions des magnifiques produits frais cultivés par les maraîchers. La faute aux circuits longs qui imposent une récolte trop précoce et un transport sur des milliers de kilomètres, par delà les océans dans certains cas. Résultat, une fois achetés, ces « produits frais » tendent à ne pas le rester plus de 48 heures.
C’est ce constat qui a poussé agrilution à inventer le plantCube. « Nous ne sommes pas une énième startup qui propose un appareil électrique de culture domestique, déclare Maximilian Loessl, le cofondateur et directeur général d’agrilution. Son concept phare est bien plus que cela. Notre ambition est de créer un écosystème de culture domestique à même de proposer les légumes verts les plus frais, les plus sains et les plus riches en goût, bref : les meilleurs ! »

Pour assurer la réussite de cette agriculture domestique, l’un des principes de base du groupe est de s’emparer de la technologie moderne pour simplifier au maximum ce processus de culture. « L’écosystème d’agrilution se compose d’un appareil de culture domestique complètement automatique, baptisé le plantCube, et d’une application permettant de surveiller et de contrôler à distance les cultures du plantCube, de se connecter avec d’autres utilisateurs et d’acheter de nouvelles graines, explique le cofondateur d’agrilution. »
L’appareil fait plus ou moins la même taille qu’un lave-vaisselle. Avec son variateur de température, il peut simuler les conditions climatiques de n’importe quel pays. Par conséquent, les amateurs de produits japonais ou chinois pourront tout aussi bien les faire pousser sur la côte normande ou en Haute-Savoie. Cependant, la plus grande force d’une technologie telle que le plantCube réside dans son impact, ou à vrai dire dans son absence d’impact, sur des ressources naturelles déjà mises à mal par les méthodes de l’agriculture conventionnelle.
« La technologie de l’agriculture verticale recèle de vastes atouts du point de vue de l’environnement, constate Maximilian Loessl. Nos méthodes ne requièrent ni produit phytosanitaire ni terres arables et n’exigent que 2 % des ressources en eau, 40 % des engrais et 50 % de l’espace utilisés par l’agriculture conventionnelle. La puissance de ce produit est avant tout de reconnecter les gens avec leur alimentation et avec la manière dont les plantes poussent. Produire soi-même ses denrées alimentaires permet de prendre conscience de ses habitudes de consommateur. »

Les ZipFermes de Bright Agrotech
Dans le domaine de l’agriculture verticale, Bright Agrotech vise haut, littéralement. Ses colonnes ZipGrow qui exploitent concrètement l’idée de culture à la verticale, peuvent recouvrir les façades de bâtiments ou remplir des parcelles vides tout en offrant des rendements au m2 supérieurs aux systèmes de culture conventionnels.
L’hydroponie, ou culture hors-sol, est à la base de cette agriculture verticale. « L’hydroponie est fantastique à bien des égards, commente le directeur général de Bright Agrotech, Nate Storey. C’est une technologie très légère, qui évite bien des complications liées au travail des sols et qui nous permet de concentrer la production de manière à éviter l’utilisation d’énergies fossiles et de machines. Enfin, comme tout est formulé, nous savons exactement ce qu’elle contient. Nous pouvons déterminer précisément son impact sur la croissance des cultures et la valeur nutritive de ces dernières, car ce procédé répond à des normes très contrôlées. »
Avec ce mode de culture hors-sol, il est possible d’établir des productions à haut rendement dans des endroits insolites. Il permet également à des agriculteurs de monter leur exploitation n’importe où. « Cela rend l’agriculture beaucoup plus accessible : c’est plus facile que de chercher une vingtaine d’hectares à acheter ou à louer, constate le directeur général de Bright Agrotech. 98 % de la population vit désormais en zone urbaine contre 2 % en milieu rural. Si nous désirons rapprocher l’agriculture et le consommateur, il faut cultiver dans des zones où les terres sont hors de prix. Par conséquent, il faut trouver un moyen de décupler la densité des cultures. Il est certes impossible de superposer les champs, mais pas de mettre en place une configuration hydroponique très dense. »

L’intérêt suscité par la technologie de Bright Agrotech et par ses applications n’a cessé d’augmenter au cours des trois dernières années : jardins de particuliers, projets associés à des restaurants, etc. Les consommateurs plantent les graines d’un changement majeur, au sens propre : du basilic, de la menthe, du choux, du cresson et d’autres légumes-feuilles.
« Les produits les plus adaptés à cette technologie sont ceux qui supportent mal le transport, remarque Nate Storey. C’est-à-dire que si vous les cultivez localement, la culture est plus efficiente et le consommateur a accès un produit de bien meilleure qualité. »
La Hive de Livin Farms
C’est dans la même veine de ce mouvement pour une alimentation respectueuse de l’environnement qui a favorisé l’émergence de l’agriculture domestique, des fermes verticales et de l’utilisation des varechs comme engrais, qu’un appareil à élever les insectes comestibles a été créé. En effet, la société Livin Farms, implantée au Royaume-Uni et à Hong Kong, a mis au point un appareil destiné à élever et à récolter des insectes à consommer : la Hive (la ruche).

« Notre produit permet d’élever des insectes comestibles, tels que les vers de farine, en respectant l’environnement puisque très peu d’eau et d’énergie sont nécessaires et que leur alimentation ne concurrence pas celle des humains, explique Katharina Unger, fondatrice et directrice générale de Livin Farms. »
Elle a bien conscience de s’engager sur un territoire loin d’être conquis. « Nous trouvons ça passionnant de proposer un produit qui aide les gens à reconsidérer la manière dont ils se nourrissent, déclare-t-elle. La consommation d’insectes comestibles représente certes un changement de culture et de paradigme pour les Occidentaux, mais il sera bénéfique pour leur santé et pour celle de toute la planète. Cela nous plaît beaucoup d’être à la pointe d’un mouvement qui encourage vraiment les gens à choisir en connaissance de cause ».
Ces trois exemples d’agriculture technologique ne sont que la partie « germée » d’un iceberg vert qui voit beaucoup d’autres idées éclore à côté. D’ici quelques générations, l’agriculture traditionnelle sera certainement devenue caduque et remplacée par des solutions géniales et modernes de production alimentaire. Après tout, les mentalités ont évolué. Alors qu’elles se contentaient de demander de la nourriture, elles questionnent désormais chacun de ses aspects : d’où vient-elle ? Qui l’a produite ? Quel est son impact sur l’environnement ? Le meilleur moyen de répondre à ces questions est de connaître le producteur personnellement, ou même mieux, d’être soi-même producteur.