Quatre questions que les architectes doivent discuter avec leurs clients avant de se lancer dans un projet d'éco-construction
Comment envisagez-vous l’état de la planète dans le futur ? Imaginez-vous un paysage désolé dans le style de celui du film WALL-E ou plutôt quelque chose de luxuriant comme la lune Pandora du film Avatar ? Il est étonnant de constater que peu de films nous présentent un avenir vert. Est-ce que vous anticipez un monde qui vénère l’environnement et cherche à le préserver, ou qui ignore les écosystèmes de la planète, et la transforme en une décharge géante ? Certes, ces exemples sont assez sensationnels et peu réalistes, mais ces dernières décennies, l’intérêt croissant pour l’éco-construction souligne l’importance que les initiatives environnementales représente pour beaucoup de gens. Les éco-architectes interviennent au cœur de cette révolution et, bien que nombre de maîtres d’ouvrage souhaitent rendre leurs locaux commerciaux ou résidentiels plus écologiques, il n’est pas rare qu’ils ne comprennent pas les enjeux de la conception ou de l’adaptation de leurs ouvrages.
Afin de rassurer les propriétaires dubitatifs, il est crucial d’avancer des arguments limpides. Voici donc quatre questions que les éco-architectes devraient impérativement aborder avec leurs clients avant de se lancer dans une relation contractuelle.
1. Le contexte. Aux États-Unis par exemple, chaque État ou région possède ses propres façons de faire de l’architecture verte. La politique et la partialité peuvent influencer le rythme auquel certaines villes et États se lancent dans des initiatives vertes, ce qui peut avoir un impact sur l’équipement et les matériaux dont les architectes disposeront. La garantie d’un approvisionnement en matériaux et en ressources est un aspect important du chantier et ceux nécessaires à l’éco-construction n’échappent pas à la règle. D’autre part, il existe des labels, comme ceux de l’Initiative américaine pour la conception énergétique et environnementale (LEED) ou de la haute qualité environnementale française (HQE), qui sont utilisés comme normes internationales pour évaluer les bâtiments en fonction de leur consommation d’énergie, de leurs émissions de carbone et de leur impact environnemental. Selon le Conseil américain de l’éco-construction (US-GBC), l’Illinois est devenu en 2013, avec un rapport de 0,18 m² certifié LEED par habitant, le leader des États américains dans ce domaine. Même si la Californie et New York présentaient une quantité supérieure de projets l’année dernière, la population de ces États a influencé leur classement. Quand bien même, ces États se sont lancés dans une course à l’éco-construction qui peut se prévaloir d’infrastructure et d’une chaîne d’approvisionnement qui proposent des ressources écologiques. Il est vital que les architectes informent leurs clients de ces particularités quand ces derniers recherchent le site qui conviendra au bâtiment vert qu’ils souhaitent construire.
2. Le climat. Dans le même ordre d’idées, les conditionsmétéorologiques et le climat peuvent influencer l’éco-construction de manière significative. Dans un entretien avec les représentants d’Inhabitat, une ressource en ligne s’adressant à ceux qui s’intéressent aux innovations architecturales et aux projets de particuliers, Bernat Ferragut et Kate Alvo évoquaient les défis auxquels ils étaient confrontés pour la réalisation d’une maison écologique dans une région rurale du Québec. Les hivers peuvent y être glacials et les étés étouffants, mais de fortes pluies peuvent aussi avoir un impact sur le chantier. En conséquence, la maison a été orientée au sud, ce qui contribue à retenir la chaleur pendant l’hiver et à la dissiper pendant l’été. Au final, le facteur le plus important aux yeux des éco-architectes est l’adéquation des matériaux et du projet avec la limitation de la consommation d’énergie et la réduction de l’impact du bâti sur l’environnement. Les murs ont donc dans ce cas été isolés au moyen de bottes de paille et une double peau a été remplie avec de la cellulose, expliquaient Bernat Ferragut et Kate Alvo. Ils ont employé des parois préfabriquées, qui pouvaient être mises en œuvre rapidement et plus facilement par moins d’ouvriers. En fait, ils ont fondé une petite entreprise pour commercialiser ces murs et soulignent le fait que les entrepreneurs connaissant bien ces matériaux préfabriqués n’auraient aucune difficulté à travailler sur l’alternative durable. Bien que les éco-architectes ne soient pas nécessairement des climatologues, ils sont généralement au fait des spécificités géographiques et devraient clairement informer leurs clients, mais aussi les entreprises de CVC, les décorateurs, les plombiers, etc., de ce qui peut se faire pour une région géographique donnée.
3. La pérennité. Quelle durée de vie vos clients envisagent-ils pour leurs bâtiments écologiques ? Les intentions de chacun quant à l’impact écologique de l’architecture verte peuvent diverger grandement. Il est impératif que les concepteurs sachent si leur client souhaite que l’ouvrage soit encore utilisable après 50, 100 ou même 500 ans. Selon The Green Building Information Gateway, un site géré par l’US-GBC, la relation qu’entretiennent les bâtiments écologiques avec la pérennité (PDF en anglais) est de nature complexe. Citant le rapport technique Insight, il indique que les dispositifs verts, comme les barils de récupération d’eau de pluie, nécessitent des technologies et de l’équipement ayant une durée de vie nettement plus courte que celle prévue pour l’ensemble du bâtiment. Toutefois, lorsque le maître d’ouvrage et l’architecte discutent de leurs plans, ils devraient envisager les options qui correspondent le mieux à leur démarche environnementale. Inhabitat soulignait par exemple les efforts effectués par les propriétaires de la villa Hill Bragg pour créer un bâtiment qui respecte l’environnement dans la durée. Travaillant avec l’agence Moger Mehrhof Architects, Barney et Nancy Leonard ont employé des matériaux provenant des forêts environnantes, parce que leur tenue résisterait pendant plusieurs générations. Le bois a été récupéré sur la propriété ou sur des parcelles voisines. En outre, le projet s’appuie sur un système d’énergie solaire passive, semblable à ceux de l’exemple québécois, ainsi que sur des panneaux solaires et des dispositifs photovoltaïques qui subviennent à la quasi-totalité des besoins en électricité de cette résidence.
4. Les subventions et dégrèvements. Quel que soit le projet de construction, les financements peuvent rapidement devenir un problème. Comme le montre une infographie publiée sur la version anglaise de Line//Shape//Space, le prix de l’installation de panneaux solaires ou de dispositifs écologiques similaires n’est pas toujours abordable. Mais grâce aux programmes d’aide que proposent de nombreux gouvernements, les architectes ou les propriétaires d’immeubles peuvent profiter de subventions et de dégrèvements. Ils peuvent bénéficier de cet allégement fiscal, et devraient donc garder cela à l’esprit quand ils négocient leurs coûts et le contrat.